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EPIPHANIE

Comment la Galette est-elle devenue un terrain de création ?

Publié le 06/01/2022 |

En ce jour d'Epiphanie, le fameux gâteau rond au feuilletage croustillant et à la garniture généreuse s'invitera à la table de nombreux gourmands, comme c'est le cas tout au long du mois de janvier. Cette tradition, qui remonte à l'époque romaine, a traversé les siècles et les cultures tout en transformant son goût et sa forme : selon les traditions locales, elle sera parfois briochée, sablée ou encore à base de pâte à choux.

Au cours du 20è siècle, la Galette des Rois est devenue une période privilégiée pour les artisans boulangers, étant à la fois un produit très rationnel à fabriquer et un véritable outil de fidélisation de la clientèle. Les fèves ont mué en de véritables objets de collection, avec des créations toujours plus élaborées, dont certaines continuent d'être fabriquées en France par des maisons reconnues telles que les Fèves de Clamecy.

Ce souffle créatif a touché le gâteau lui-même, qui a été revisité à l'envi : ces dernières années, à l'Epiphanie, nombreux sont les artisans qui misent sur l'événement pour proposer leur approche singulière de la galette. La garniture, traditionnellement à base d'amandes, se trouve chahutée : agrumes, chocolat, épices... tous ces parfums viennent donner une nouvelle dimension à cette pâtisserie, qui est devenue un véritable terrain de création. Le feuilletage n'échappe pas à l'exercice, avec des transformations variées aussi bien en terme de recette (pâte à brioche tourée, utilisation de pâte levée feuilletée...) ou de forme (couronnes, multiples étages, ...). Quelques galettes glacées s'invitent également à la fête, avec un contraste saisissant entre le croustillant de l'enveloppe et la fraicheur du fourrage. Au delà de l'aspect médiatique, cela permet pour de nombreux artisans de prolonger la période de l'Epiphanie : les clients goûtent ainsi plusieurs parfums, en plus de chasser les fèves pour les plus fabophiles. 

Le phénomène est plus à attribuer aux chefs pâtissiers qu'aux boulangers : ainsi, quelques orfèvres du sucré se sont appropriés l'objet, à l'image des renommés Michaël Bartocetti, Maxime Frédéric, Philippe Conticini, Yann Couvreur, Pierre Hermé, Nicolas Paciello et autres noms qui agitent la scène sucrée française. Cela s'accompagne de tarifs élevés, s'éloignant souvent de l'image du gâteau populaire, convivial et signe de partage, associés à la galette des Rois. Les hausses de prix s'expliquent en partie par celles connues sur le plan des matières premières, et tout particulièrement le beurre ou la poudre d'amandes, qui constituent une part importante de la recette, même si le marketing associé et le prestige des grands noms ou palaces, le cas échéant, y est aussi pour beaucoup.

Une nouvelle tendance, l'apparition de galettes locavores

En parallèle de ce bouillonnement créatif, d'autres préfèrent miser sur la qualité des matières premières ainsi que leur origine locale. Quelques artisans ont fait le pari de se tourner vers l'Amande française, plutôt que ses consoeurs californiennes ou espagnoles, malgré son prix d'achat nettement supérieur. C'est notamment le cas de Hugues Pouget qui propose depuis plusieurs années une galette 100% française au sein de sa pâtisserie parisienne Hugo & Victor, ou encore de Claire Damon chez des Gâteaux et du Pain.
Cette logique se développe également au sein d'adresses moins médiatiques, à l'image de partisan boulanger à Lyon, de la Boulangerie du Square à Paris 18è ou de Frédéric Comyn à Sceaux et Paris. Dans chacun de ces cas, les fruits secs sont sourcés directement auprès des producteurs, ce qui permet un partage équitable de la valeur en plus d'une totale transparence offerte au consommateur. L'apparition de ces véritables "galettes éthiques" donne l'occasion d'y croquer sans culpabilité, en répondant pleinement aux impératifs sociaux et environnementaux de l'époque.