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CONSOMMATION

Noël sous inflation, an 2 : quelles conséquences pour les artisans et l'alimentation ?

Publié le 22/12/2023 |

Les incertitudes quant au comportement des Français à l'occasion des Fêtes de fin d'année n'auront pas incité les artisans à passer Noël au balcon... en espérant que Pâques ne soit pas encore plus rude, leur imposant de rester au tison pour veiller les affaires. Les arbitrages des consommateurs auront été aussi réels que visibles : malgré une volonté affichée de préserver le plaisir de se retrouver et de partager un repas festif, la "descente en gamme" (ou downtrading) est réelle. Elle se traduit notamment par une chute remarquable des ventes de champagne et de foie gras, de l'ordre de 20% ou de saumon fumé à hauteur de -11%, selon NielsenIQ sur la période du 30 octobre au 10 décembre 2023 vs an-1. A l'inverse, les mousseux résistent, avec un repli négligeable à -0,4%, de même que les pâtés à -2,1%, tandis que les truites fumées s'offrent le luxe de progresser à hauteur de +4%.

De nouvelles stratégies de consommation

Plusieurs éléments peuvent être évoqués pour expliquer ces chiffres préoccupants pour de nombreuses filières, à l'image du positionnement des vacances scolaires, particulièrement tardives cette année (celles-ci débutant uniquement le 23 décembre), ce qui retarde les achats pour bon nombre de foyers. Cela n'est pas le seul élément oeuvrant en faveur d'une évolution de la consommation : le budget alimentaire dévolu aux fêtes sera réduit pour 50% de la population (contre 1/3 en 2022), comme en témoigne un sondage réalisé par l’institut YouGov pour le compte d'Ankorstore (étude menée entre le 21 octobre et 23 octobre 2023 auprès d’un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, avec 2 018 répondants). Cependant, le budget global moyen progresse légèrement, atteignant 529€ cette année contre 490€ l’an dernier. Cette augmentation couvre difficilement les effets de l'inflation. Les Français développent au final de nouvelles stratégies pour consommer, à l'image de l'étalement des dépenses, plébiscité par 63% des répondants. Ils n'étaient que la moitié du public a agir ainsi en 2022.

La contrainte du prix toujours plus marquée

Le prix s'impose comme un critère d'achat déterminant : 58% des Français souhaiteraient privilégier les petits prix et promotions. Cette tendance lourde a imposé aux professionnels une complexe gymnastique de rationalisation des recettes, ingrédients et procédés de fabrication pour contenir les hausses tarifaires tout en préservant le plaisir de la dégustation : moins de références de bûches, des formes plus simples, une taille unique de gâteau pour limiter les boîtages... les leviers d'action ont été, plus que jamais, identifiés et mis en oeuvre par les artisans. Les constats ont été particulièrement divers et contrastés selon les régions : si certains boulangers-pâtissiers ont connu un afflux inhabituel de commandes précoces (allant jusqu'à pousser certains à cloturer prématurément ces dernières), d'autres ont du faire face à une imprévisibilité toujours plus marquée... alors même que 53% des personnes interrogées par YouGov déclaraient vouloir réaliser tout ou une partie de leurs achats de Noël dans les commerces de proximité. Ils n'étaient qu'un tiers à citer ce canal dans leur top 3 des lieux de consommation en 2022, ce qui démontre une certaine volonté de s'orienter vers une approche plus responsable et expliquant en partie les chutes observées dans les achats en grande distribution.

Une démission silencieuse face à une période difficile et peu rentable

70% des commerçants se déclaraient optimistes pour l'activité de la fin d'année. Un chiffre qui masque de nombreuses disparités... et, pour une partie de la filière boulangerie-pâtisserie, une forme de démission silencieuse. Confrontés à des difficultés récurrentes de recrutement ou désirant pouvoir profiter de leur famille, un nombre croissant d'artisans fait le choix de fermer sur une période pouvant inclure Noël et le jour de l'an. Si la période est synonyme d'une intense activité, sa rentabilité demeure en effet particulièrement faible de par le coût matière des produits commercialisés (bûches, chocolats...), tout en imposant aux équipes de nombreuses heures de travail. La pratique peut être observée de diverses façons : vertueuse pour préserver les aspects humains, elle peut également être mal perçue par une partie des consommateurs, qui peuvent alors se tourner vers d'autres segments d'offre... de façon potentiellement durable. Bien loin d'être anecdotique, cette volonté de ralentir pourrait bien s'imposer de façon globale à nos sociétés modernes en raison des crises environnementales à venir... faisant ainsi de ces artisans "démissionnaires" de véritables pionniers d'un nouveau modèle.