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FORMATION

Pourquoi la pénurie de main d'oeuvre qualifiée en boulangerie va encore s'amplifier

Les bons chiffres de l'apprentissage cachent une réalité inquiétante pour l'avenir de la filière blé-farine-pain : la qualité des formations ne cesse de reculer, ce qui limite la capacité des nouveaux boulangers à être efficaces et à s'inscrire aussi rapidement que durablement dans leur métier. Début juillet, France Compétences a annoncé qu'une réduction moyenne de 5% s'appliquerait à partir du 1er septembre sur les niveaux de prise en charge (NPEC) financière pour environ la moitié des certifications (47%) réalisées en contrat d'apprentissage. Les 500 millions d'euros d'économie envisagés auront un impact direct sur la qualité des formations dispensées auprès des jeunes. De quoi susciter la colère réseau des Chambres de métiers et de l’artisanat, qui dénonce la menace planant sur la "voie d'excellence" qu'est l'apprentissage. 

Une qualité de formation dégradée

Moins d'argent, cela signifie tout simplement moins d'heures de formation : sous l'effet de l'inflation, les charges des centres (CFA, instituts tels que l'INBP...) n'ont cessé de croître. La baisse du "coût contrat", devant couvrir les frais inhérents aux actes de formation, est vécue comme un coup de massue. Ainsi, à l'Institut National de la Boulangerie-Pâtisserie de Rouen (76), le nombre d'heures de formation pour les apprentis CAP boulanger a fondu, passant de 600 à 400 heures. Selon le réseau CMA France, la baisse des coûts contrats mise en oeuvre est de l'ordre de 8% pour les diplômes tels que le CAP. Ainsi, 57 % des formations deviendraient déficitaires, touchant près de 55 % de l’effectif des apprentis.
Ce n'est pas le seul péril qui assombrit l'horizon des cursus tels que celui du CAP : la concurrence entre les organismes, qu'ils soient publics ou privés, ne participe pas à entretenir un climat serein et à accroîte la qualité de l'enseignement. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a en effet permis la naissance des "CFA d'entreprise", géré par des structures privées qui souhaitent répondre de cette manière aux tensions observées sur le recrutement dans leur filière. Certaines de ces organisations proposent des cursus réalisés à 100% à distance, exception faite de la présence en entreprise... ce qui pose de nombreuses questions quant au développement des aptitudes professionnelles de ces futurs professionnels, qui pourraient être utilisés afin de réaliser uniquement des tâches basiques, sans leur donner la perspective de s'épanouir réellement en tant que boulangers.
Dans le même temps, malgré cette conjonction d'éléments, les taux de réussite à l'examen du CAP boulanger demeurent excellents, avec près de 80% de diplômés à chaque session. En l'absence d'évolution du référentiel associé au diplôme, la baisse réelle du niveau des jeunes sortant du cursus continuera à s'opérer, sans bruit.

Des entreprises plus difficiles à transmettre et des risques accentués quant à la pérennité de la filière

Sans bruit, mais pas tout à fait : faute de compétences nécessaires, ils ne seront pas à même de reprendre les entreprises de boulangerie en activité sur le territoire. L'affirmation risque d'autant plus de se vérifier que l'attractivité des diplômes supérieurs, tels que le Brevet Technique des Métiers (BTM) ou le Brevet de Maîtrise (BM) s'effrite... deux titres qui assurent pourtant un bagage supplémentaire sur des aspects techniques, réglementaires ou encore managériaux, indispensables pour gérer une structure au quotidien. En additionnant à cela la baisse drastique du financement de la formation continue décidée au printemps, les perspectives de voir les boulangers développer de nouvelles compétences, leur permettant notamment de prendre part à la transition écologique, s'amenuisent. Au final, c'est la qualité du produit délivré au consommateur qui finira par être durablement affectée, pouvant remettre en cause la fidélité des Français vis à vis de la filière artisanale.