CONSOMMATION
"Mars rouge" : l'inflation alimentaire va percuter la boulangerie artisanale
"Mars rouge" : c'est ainsi qu'ont surnommé le mois à venir des experts de la consommation, l'éditeur Olivier Dauvers en tête. Derrière cette expression se cache une réalité peu palpable pour les non-initiés : à la suite de la période de négociations commerciales (entre distributeurs et industriels ou PME alimentaires), les prix de vente vont être ajustés dans les points de vente. Si les tarifs avaient évolué de façon conséquente depuis le début du conflit ukrainien -avec 12,1% d'inflation sur le secteur alimentaire selon l'INSEE-, il n'y avait pas eu de nouvelle négociation, ces dernières étant réalisées une fois par an.
Du fait des demandes de hausses réalisées aujourd'hui par les fournisseurs, les prochaines semaines pourraient imposer un véritable mur d'inflation à des entreprises et consommateurs déjà fragiles. Dominique Schelcher, PDG de Système U, prévoyait au micro de France Inter ce lundi 27 février une inflation de 10% "dans les mois à venir", ce qui devrait couvrir le premier semestre. De quoi atteindre un niveau de hausse de 25% sur l'alimentaire en seulement un an et demi, ce qui pourrait en faire un véritable sujet politique en raison des conséquences sur une partie importante de la population.
Le commerce de proximité impacté par cette conjoncture défavorable
Une telle situation ne concerne pas uniquement la distribution alimentaire : les commerces de proximité, même s'ils ne sont pas concernés par ces processus de négociations, ont eux aussi augmenté leurs prix et devront composer avec le pouvoir d'achat restreint de leur clientèle. Concrètement, pour une entreprise de boulangerie-pâtisserie, cela peut prendre plusieurs formes :
- baisse de la récurrence de visite (et donc du trafic en magasin) et du panier moyen ;
- réduction de la consommation sur des produits "de plaisir" (viennoiserie, pâtisserie) ;
- évolution des habitudes en snacking (retour en grâce du "fait maison" pour la pause déjeuner") ;
- réorientation de la consommation vers d'autres segments d'offre (grande distribution, enseignes nationales...)
S'adapter pour faire face
Autant de phénomènes déjà observés en 2022, comme en témoigne la progression de l'offre boulangère en grande distribution, qui devraient perdurer et s'accentuer dans les mois à venir.
Dès lors, comment résister et faire face à un environnement particulièrement hostile, où les artisans boulangers-pâtissiers peinent à survivre en raison de factures énergétiques particulièrement pesantes ? L'adaptation pourrait être une des options les plus durables, d'autant plus que la crise en cours pourrait encore durer de nombreux mois.
Cette logique d'adaptation peut s'exprimer de différentes façons :
- proposer un "panier anti-inflation" en boulangerie, tel que celui suggéré par la ministre Olivia Grégoire en grande distribution, qui pourrait porter sur des produits fondamentaux (baguette, croissant, pain au chocolat, sandwich jambon-beurre...). Cela permettrait de préserver l'image-prix des entreprises artisanales ;
- se recentrer sur des références plus rationnelles en production, tout en réduisant le nombre de matières premières à acheter (ce qui permet de mieux négocier les prix sur les ingrédients utilisés à plus fort volume) ;
- investir pour accroitre l'efficience du laboratoire et sa sobriété énergétique, ce qui aura un impact positif sur l'exploitation à moyen et long terme ;
- mettre l'accent sur la formation du personnel pour fidéliser les équipes et dynamiser la vente en boutique : en associant savoir-faire et faire-savoir, les artisans boulangers-pâtissiers peuvent encore développer leur activité tout en répondant aux nouvelles attentes de leurs clients, notamment en terme de qualité et de suivi des tendances.