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STATISTIQUES

Pourquoi classer les "villes boulangères de France" est une idée discutable

Est-il nécessaire de savoir combien de boulangeries par habitant comptent les villes françaises ? Au coeur de l'été, un classement diffusé par une start-up "spécialiste du géomarketing" a été largement repris dans les médias grand public, et dans une moindre proportion par la presse spécialisée boulangerie-pâtisserie. Ce dernier prétendait être en mesure de faire ressortir les villes de plus de 20 000 habitants offrant la plus vaste offre boulangère rapporté à leur nombre d'habitants. Ainsi, Biarritz s'imposait en tête du classement, avec 1 boulangerie pour 561 habitants, ce qui signifierait que la localité compte 46 commerces artisanaux de ce type...

... alors qu'en réalité la station balnéaire en accueille moitié moins. Des constats similaires peuvent être réalisés pour Saint-Malo, Saintes, Agde ou Beaune, qui occupent les places suivantes dans le document diffusé par la start-up Smappen. La classification de "boulangerie" demeure complexe en l'absence d'une connaissance précise du métier et du terrain : vendre du pain ne suffit pas pour être boulanger en France, la fabrication (pétrissage, façonnage, cuisson) sur place étant indispensable pour prétendre à l'appellation. L'"analyse et le traitement de milliers de données issues du web et des bases INSEE" n'aura visiblement pas suffi à dresser un état des lieux précis du marché : cette opération est devenue particulièrement complexe de par les divers codes d'activité (NAF) choisis par les professionnels lors de l'immatriculation de leurs entreprises. Bien au delà du traditionnel code NAF 1071C correspondant à "Boulangerie et boulangerie-pâtisserie", des boulangers rejoignent notamment les catégories de la restauration.

Certaines données issues du même classement laissent penser que peu de vérifications ont été menées, tant elles paraissent déconnectées de la réalité : ainsi, Paris compterait 2641 boulangeries... alors même que la Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) estimait le nombre réel à environ 1360 établissements début 2022. Non seulement la qualité et le sérieux de l'opération sont sérieusement remis en doute, mais l'utilité même de la chose pose question : alors que les fermetures se multiplient dans certains secteurs du territoire -on estime qu'un boulanger sur dix a fermé ses portes a fermé ses portes dans le Nord et le Pas-de-Calais, en raison de la crise énergétique-, l'enjeu n'est pas de compter les entreprises en activité mais de trouver de nouveaux outils pour assurer leur pérennité.