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COMMERCE

Faut-il solder les produits de Pâques ?

Publié le 11/04/2023 |

Gouverner, c'est prévoir. Au lendemain de Pâques, de nombreuses vitrines demeurent généreusement garnies de sujets et gourmandises chocolatées, avec une question pesante : qu'en faire ? La célèbre maxime d'Adolphe Thiers aurait de quoi faire sourire de nombreux artisans confrontés à la grande difficulté d'anticiper précisément les comportements d'achat des consommateurs dans le cadre d'évènements calendaires majeurs tels que Pâques : malgré la montée en puissance d'outils de prédiction avancés, l'inflation et ses conséquences, économiques et morales, représentent un facteur difficilement maîtrisable. Dès lors, il deviendrait difficile de gouverner... ou d'entreprendre, dans le cas qui nous intéresse.

Adieu veau, vache, cochon, couvée... La Fontaine avait décrit avec précision la déception et le désenchantement face à un bestiaire, chocolaté dans le cas présent.
Que faire pour écouler ce stock invendu, dont le caractère ultra-saisonnier, additionné à une faible durée de conservation pour certains composants, ne permet pas d'en envisager la vente sur une longue période ?

Solder ses créations, une idée discutable

Proposer un rabais sur les chocolats de Pâques pourrait sembler la solution la plus simple et évidente... Si cela pourrait permettre de liquider rapidement le stock, la pratique n'est pas sans poser des problèmes. Il s'agit tout d'abord d'une question de calendrier : quand débuter les remises ?
On considère généralement que les ventes de Pâques peuvent s'étaler jusqu'à une semaine après la date de l'évènement. Dès lors, les promotions pourraient débuter après ce délai... ce qui est bien loin d'être le cas en grande distribution, où les rabais, ne pouvant plus dépasser les 34% depuis l'entrée en vigueur de la loi EGALiM, commencent souvent dès le lendemain du jour saint. C'est ensuite la valeur du travail artisanal et sa perception qui sont remis en question. A l'inverse des propositions industrielles, chaque référence proposée chez un artisan fait l'objet d'un travail manuel, qui mérite d'être pleinement valorisé. Afficher des réductions nuit à la clarté du message auprès du consommateur. En définitive, c'est une problématique commune avec l'ensemble des pratiques promotionnelles qui se développent en boulangerie-pâtisserie, avec le risque d'aboutir à une banalisation de l'offre artisanale face aux autres segments de marché.
Autre solution : plutôt que de proposer le rabais en boutique, ce qui confine à donner un avantage monétaire aux clients n'ayant pas fait leurs achats avant Pâques, il peut être proposé via des plateformes anti-gaspi telles que Too Good To Go ou Phenix. L'expérience d'achat est, dès lors, entièrement différente et les attentes également.

Refondre pour réutiliser

En fonction des volumes d'invendus, la refonte des sujets et fritures est parfaitement envisageable. Même s'il faut réaliser de la manutention pour extraire les produits de leurs emballages (qui représentent une perte sèche potentielle s'ils ne sont plus réutilisables), le chocolat peut ensuite être utilisé pour réaliser des décors ou en incorporation dans des recettes pâtissières. Cela limite ainsi la perte de matière première, même si la main d'oeuvre demeure à la charge de l'entreprise. Cela demeure la pratique la plus invisible et efficace, même si certains produits ne peuvent pas être retransformés comme les fritures garnies.

La solidarité, un choix coûteux mais efficace

Malgré le coût des matières premières et les difficultés rencontrées par de nombreuses entreprises artisanales, si le volume d'invendus est faible, la solidarité peut être un véhicule efficace et vertueux pour apurer le stock de Pâques. Associations, collectivités, structures d'accueil de personnes agées ou handicapées... l'engagement d'un artisan est également social, et s'intégrer dans un maillage local se révèle particulièrement indispensable dans un contexte de difficultés comme celui traversé actuellement.