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CONJONCTURE

Factures d'énergie, un supplice discret et continu

Publié le 18/04/2023 |

Factures envoyées avec plusieurs mois de retard, grande opacité sur les calculs, montants ne correspondant pas au contrat souscrit... depuis le début de l'année, malgré les annonces rassurantes des pouvoirs publics, la situation des artisans boulangers-pâtissiers face à la crise énergétique ne s'est pas améliorée. Bien au contraire : l'attention médiatique qui leur avait été allouée s'est orientée vers les sujets sociaux liés à la réforme des retraites. Dès lors, la détresse de nombreux professionnels a été passée sous silence, ou relayée dans les seuls médias régionaux, avec un bien plus faible impact.

Une facturation perturbée et des fournisseurs d'énergie dans l'incapacité de gérer la situation

"Les énergéticiens n'ont pas mis les moyens humains pour traiter les demandes et gérer la facturation" tempête Paul Boivin, délégué général de la Fédération des Entreprises de Boulangerie (FEB), sur les allées du salon Sandwich & Snack Show : avec la mise en place de l'amortisseur énergétique début 2023, les fournisseurs d'énergie ont reçu des milliers de formulaires et ont du adapter les factures en conséquence. Cet afflux de données à traiter est rapidement devenu un engorgement : dès lors, plusieurs milliers d'entreprises n'ont pas reçu de facture depuis 3 à 4 mois, les obligeant à naviguer à vue. Alors que la situation commence à se débloquer, le constat est amer pour les professionnels : alors qu'on leur promettait des hausses contenues, certains se voient réclamer plusieurs dizaines de milliers d'euros.
A Jonchery-sur-Vesle (51), en banlieue rémoise, la boulangerie Pain & Passion a obtenu en mars le détail de ses consommations et le montant à régler... pour les mois de novembre et décembre 2022. Le document provoque une forme de sidération chez l'artisan : il n'est pas en capacité de verser la somme de 19 204 euros et fait appel à la solidarité de sa clientèle, en plus d'avoir déjà réduit sa masse salariale en se séparant de sa pâtissière. Julie Chiriaeff et Jonathan Rigaut, co-gérants de l'entreprise, ont affiché la facture en boutique afin de sensibiliser le public à la situation difficile qu'ils traversent. Une cagnotte en ligne, qui a déjà récolté près de 2000€, a été mise en place.

De nombreux boulangers en difficulté en raison de contrats souscrits au plus fort de la crise

Le couple est loin d'être un cas isolé. Parfois, les engagements pris par les fournisseurs ne sont pas tenus : un boulanger ayant souscrit un contrat Matina (offre commerciale proposée par EDF) peut alors se voir facturer selon des barèmes classiques, avec des niveaux de prix incohérents. Face à lui, le service client de son fournisseur se mure dans le silence. Pour Paul Boivin, "L'absence de transparence et de capacité à expliquer les factures est particulièrement inquiétant et problématique. Nous avons estimé que le modèle de nos adhérents restait viable pour des factures multipliées par 2,5. Au delà, c'est tout un écosystème qui est en danger".
Alors que le prix du mégawattheure (MWh) est en baisse depuis plusieurs semaines -atteignant 110 à 120€ en prix spot sur le marché de gros-, les entreprises ayant souscrit des contrats au plus fort de la crise sont lourdement touchées. Seul problème, la résiliation anticipée sans frais pour renégocier les conditions qui avait été promise en janvier n'est toujours pas possible. Pourtant, elle serait indispensable pour assurer la survie de milliers de boulangers-pâtissiers.

Prochaine étape : de nouveaux échanges entre les représentants de la filière que sont la CNBPF et la FEB avec le Ministre de l'Economie Bruno le Maire et la Ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme Olivia Grégoire. L'objectif : leur remonter les situations vécues sur le terrain et leur présenter des factures aussi opaques que synonymes de difficultés pour un acteur majeur de l'alimentation française. Une seule chose est sûre, il y aura, lors de ces réunions... du pain sur la planche.