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COMMERCE

Coordonner les jours de fermeture entre artisans, une idée qui fait son chemin

Publié le 04/09/2023 |

Si la crise énergétique a eu de multiples conséquences négatives sur la filière blé-farine-pain, elle aura placé les artisans boulangers-pâtissiers face à une réalité : après avoir passé des dizaines d'années à s'engager dans une voie productiviste, cherchant la croissance par l'extension des gammes ou des horaires d'ouverture, la priorité est devenue pour beaucoup d'améliorer les conditions d'exploitation de leurs entreprises. Les solutions en la matière ne sont pas extrèmement nombreuses : parmi elles, la plus explorée désormais est celle de fermer deux jours consécutifs par semaine.

Nous sommes bien loin de l'ouverture 7j/7, à présent autorisée dans plusieurs départements français : à Coutances (Manche, 51), les neuf boulangeries se sont entendues afin de répartir leurs jours de fermeture, tout en accordant un jour de congé supplémentaire aux chefs d'entreprise ainsi qu'à leurs équipes. Une révolution pour des artisans tel que le couple Bellamy, à la tête du Chant du pain : depuis 25 ans, ils n'avaient qu'une seule journée de repos. La première raison de ce choix est économique : cesser de cuire du pain pendant une journée permet de faire baisser les factures d'énergie. Le choix est tout aussi vertueux sur le plan humain, améliorant l'attractivité du métier dont les horaires et la pénibilité découragent nombre de candidats.
Cependant, réaliser ce choix sans coordination pourrait avoir des effets de bord particulièrement négatifs sur le fonctionnement des entreprises : la répartition des jours de fermeture a toujours permis une ventilation de la clientèle entre les commerces. De plus, l'enjeu est de garantir à la clientèle la possibilité d'acheter du pain frais et artisanal du lundi au dimanche. La démarche responsable et solidaire des boulangers de Coutances démontre tout l'intérêt du collectif face à des crises durables : en sortant de la solitude dans laquelle ils sont souvent enfermés, les professionnels du pain peuvent développer de nouvelles solutions afin de faire vivre leur métier.

On veut redonner de la valeur à notre métier pour ne pas qu'il se meure, déclare Sigrid Hébert, boulangère de Coutances, à France 3 Normandie

L'initiative est inspirante et symptomatique d'une lame de fond qui a débuté au sein de boulangeries alors considérées comme "marginales". Ouverts sur des plages horaires très réduites (généralement en fin d'après-midi) et moins de cinq jours par semaine, ces artisans, souvent issus de parcours en reconversion professionnelle, ont marqué une rupture avec les codes traditionnels du métier, dans lequel il était communément admis de réaliser des heures de nuit ou de maximiser la profondeur de l'offre produit. Leur approche trouve aujourd'hui un écho dans les difficultés de la boulangerie conventionnelle et dresse un horizon dans lequel les deux mondes pourraient finir par se rencontrer.