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CONJONCTURE

Après une solide année 2022, les boulangers vont-ils chuter?

Publié le 08/12/2022 |

Des clients plus nombreux, un panier moyen en repli et des chiffres d'affaire moyens en progression, la situation des entreprises de boulangerie artisanale dépeinte par l'observatoire 2022 du métier publié par FIDUCIAL témoigne de la bonne résistance de la filière face aux crises traversées ces deux dernières années.
Ainsi, une boutique de boulangerie-pâtisserie a accueilli cette année en moyenne 297 clients par jour, contre 259 en 2021. Le ticket moyen chute à 4,77€, alors qu'il atteignait 5,34€ l'an passé. Une contraction qui s'explique par l'inflation et la baisse du pouvoir d'achat induite par la situation, où de nombreux ménages tentent de réduire leurs dépenses au strict nécessaire.

Cependant, ce dynamisme commercial est à mettre en perspective avec la hausse des charges : les principaux postes de coût, que sont les matières premières, la masse salariale ou encore l'énergie, ont progressé, ce qui annule de façon quasi-intégrale les effets du développement de l'activité sur le résultat net des entreprises. La marge brute baisse d'un point, passant de 70 à 69% pour les structures assujetties à l'Impot sur le Revenu (IR) et de 71 à 70% pour celles soumises à l'Impot sur les Sociétés (IS).

La situation promet d'être bien plus compliquée en 2023, avec la conjonction de plusieurs facteurs. Non seulement le remboursement des Prêts Garantis par l'Etat (PGE) va devoir débuter pour ceux y ayant eu recours pendant la période de pandémie, celui-ci n'ayant pas débuté en 2021, alourdissant les charges pesant sur l'entreprise. Autre poste de dépense en pleine explosition, l'énergie passionne les débats depuis plusieurs semaines. Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances, a annoncé ce matin de nouvelles mesures pour accompagner les entrepreneurs face à des factures pouvant être multipliées par 5, voire 12 dans certains cas. Ainsi, en plus de l'amortisseur, qui devrait représenter dès le 1er janvier 2023 20% de réduction automatique sur les sommes dues aux fournisseurs d'énergie (pour les contrats au dessus de 360 euros/kWh), le guichet électricité destiné aux PME sera maintenu. Les activités consommant beaucoup d'énergie, comme la boulangerie, pourront ainsi bénéficier d'une remise allant jusqu'à 35% si le poste de dépense représente plus de 3% du chiffre d'affaires de la structure. Un numéro vert est dédié aux artisans en difficulté, le 0 806 000 245, avec la promesse faite par le ministre que Bercy ne "laisserait pas tomber les boulangers de France". Des paroles remises en doute par des artisans qui voient dans cette crise énergétique un mur insurmontable, certains estimant que 80% d'entre eux ne sont pas éligibles au bouclier tarifaire appliqué en dessous d'une puissance souscrite de 36kVA... avec un important péril planant sur ces derniers.

De par l'étendue de la crise et de la vigueur de l'inflation, un effet ciseau s'abattant sur les boulangers est à présent à craindre : non seulement leurs charges vont augmenter (avec la nécessité d'augmenter les salaires pour fidéliser leurs équipes) mais leur chiffre pourrait se contracter rapidement. De multiples voix s'élèvent aujourd'hui, craignant un fort creux de consommation début 2023, une fois la douceur des fêtes éteinte. Si des hausses de prix ont été réalisées par l'essentiel des artisans, elles trouvent ou trouveront à brêve échéance une limite d'acceptabilité au sein de la clientèle. Dès lors, de nouvelles questions se poseront sur la pérennité de certaines références, tout comme sur la pertinence de certaines méthodes de fabrication (cuisson toute la journée, utilisation massive du froid positif et/ou négatif...). Au delà de ce travail de gestionnaire, c'est celui de commerçant qui s'impose aux artisans boulangers : face à ce contexte perturbé, l'enjeu est de trouver de nouveaux leviers d'attractivité et de fidélisation. Meilleure adaptation aux tendances de consommation (produits plus sains, végétaux, porteurs d'allégations nutritionnelles...), renforcement de la relation client au travers des outils digitaux et de l'analyse de la donnée, optimisation de la qualité du service par l'analyse des ventes... autant de sujets qui pourraient permettre à de nombreux boulangers de faire face à la situation, tout en continuant à adopter une posture de conquête et d'innovation, indispensable pour la pérennité d'une entreprise.
A long terme, c'est un risque d'usure morale qui se dessine : le choc énergétique, s'ajoutant à l'effort fourni pendant la pandémie, pourrait achever de détruire des passions et des engagements de longue date au sein d'une profession où l'humain est un facteur essentiel, au delà des variables économiques