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La Tunisie pourrait se convertir à la farine semi-complète... pour des raisons économiques

Publié le 28/12/2023 |

Les vertus des farines riches en son ne sont pas concentrées uniquement chez les consommateurs : du fait du rendement plus élevé obtenu grâce à l'incorporation des issues, les farines semi-complètes et complètes se révèlent plus intéressantes que leurs homologues "blanches" d'un point de vue économique. La Tunisie est en passe de souscrire à cette analyse, étant confrontée à des sécheresses persistantes qui contraignent le pays à importer la quasi-totalité des grains nécessaires à la fabrication du pain consommé quotidiennement par la population. Ce produit est massivement subventionné par l'Etat au travers de la Caisse générale de compensation. Dans le courant de l'été, le gouvernement de Kaïs Saïed avait temporairement cessé l'approvisionnement des "boulangeries modernes" (comprendre privées) en farine subventionnée face aux difficultés économiques traversées par le pays.
Le prix de ce pain subventionné demeure ridiculement bas compte tenu des hausses observées sur des éléments tels que l'énergie, le cours du blé ou même la masse salariale, et se révèle à présent peu en adéquation avec le niveau de vie de la population, qui a également progressé de façon notable ces dernières années. 

Courant décembre, plusieurs ministères tunisiens se sont réunis une journée afin d'évaluer l'intérêt d'un pain fabriqué à partir d'une farine T80 et non plus T55 comme c'est le cas aujourd'hui. Un nouveau pain, réalisé à partir de cette nouvelle matière première, devrait rejoindre prochainement les vitrines des boulangeries et être commercialisée dans les mêmes conditions que le pain subventionné actuellement disponible. La promesse est alléchante : un tel changement pourrait permettre à la Tunisie d'économiser 0,5 million de quintaux de blé tendre chaque année, sur une consommation totale estimée à 10 millions de quintaux. Egalement, cela devrait permettre d'endiguer un phénomène de "marchés parallèles" induit par l'utilisation possible de la farine T55 dans la réalisation de viennoiseries, de pâtisseries et d'autres types de pain, le son se révélant particulièrement visible et parfois indésirable dans ce type d'utilisation. Ainsi, l'Etat pourrait réaliser de précieuses économies... tout autant que le système de santé du pays, car l'apport en fibres généré par cette nouvelle farine a des effets bénéfiques sur la digestion ou la glycémie.

Cependant, la transition n'a rien d'évidente : les boulangers devront être formés pour proposer un produit de qualité, et un effort de pédagogie sera indispensable auprès de la population pour faire accepter un produit aux caractéristiques différentes... Ces éléments se révèlent d'autant plus indispensables que le pain demeure un aliment central pour les tunisiens, et qu'un tel choix pourrait avoir des conséquences politiques à une période où la population exprime une certaine défiance vis à vis du pouvoir.