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Créativité

Fêtes de fin d’année : le savoir-faire boulanger se met à table

Publié le 20/10/2023

Lorsque la fin de l'année approche, une attention particulière est orientée vers les artisans engagés afin d’offrir les produits les plus gourmands et festifs grâce à un savoir-faire d’exception.

Si les créations pâtissières ont longtemps été mises à l’honneur, avec des bûches créatives et des chocolats raffinés, les recettes valorisant les techniques boulangères suscitent aujourd’hui un regain d’intérêt : plus rationnelles, faciles à conserver et à partager, elles participent à affirmer l’identité d’une entreprise auprès de ses clients.

Pour y parvenir, des ingrédients teintés d'engagement et de vertu doivent être associés.

Dans quelques années, la bûche de Noël aura-t-elle été supplantée par le panettone à la fin des repas festifs ? Si les traditions demeurent longues à bousculer, voire demeurent parfois inamovibles, la montée en puissance de cette douceur à l’italienne témoigne de la sensibilité des consommateurs envers des produits riches en histoire et proposant des saveurs profondes ainsi qu’une texture reconnaissable entre toutes.

Il y a seulement cinq ans, rares sont ceux qui auraient parié sur ce retour en grâce : le produit pâtissait d’une image dégradée, générée par la domination sans partage de l’offre industrielle distribuée autant en grande distribution qu’au sein des épiceries fines.

Sec, sucré, garni de fruits d’une qualité médiocre… autant d’attributs fréquemment employés par la clientèle pour témoigner de leur manque d’attrait pour cette préparation fermentée à base de levain naturel.

« Chaque personne qui goûte un panettone artisanal est immédiatement séduite, se réjouit Quentin Berthonneau, devenu spécialiste du sujet en multipliant les essais afin de participer à la Coupe du monde de panettone en 2021. Peu de produits peuvent prétendre marquer une telle différence de qualité avec d’autres segments d’offre. »

Une réalisation technique mais fédératrice

Réaliser cette gourmandise à la mie filante et parfumée n’est pas seulement un exercice de style boulanger, c’est également un projet fédérateur à l’échelle de l’entreprise.

« Même si cela demeure un produit complexe, tous les boulangers peuvent comprendre les subtilités du pétrissage et du travail de la pâte », témoigne l’artisan, ayant eu l’occasion de partager son savoir-faire au sein de multiples entreprises françaises et européennes ces derniers mois au travers de son activité de formateur.

Avec de la découverte de la maîtrise du levain de panettone, indispensable pour assurer la prise de volume, le moelleux et la conservation exceptionnels du produit, chaque professionnel peut développer de nouvelles compétences dans la maîtrise des fermentations : « Le levain évolue chaque jour. De nombreux boulangers ont des habitudes figées pour la gestion de leurs rafraîchis, qui ne tiennent pas compte de l’état réel de la pré-fermentation. »

L’objectif poursuivi étant, dans le cadre d’une telle production, d’obtenir un levain parfaitement équilibré entre le lactique et l’acétique, avec une quantité de levures sauvages très élevée et contenant les bonnes bactéries pour la production de dextrane, qui est une longue chaîne de sucre.

Des techniques spécifiques sont mises en œuvre pour l’entretien du levain, telles que son laminage.

La matière première au cœur de la démarche

Ce travail d’équilibriste revêt un caractère passionnant qui participe à améliorer la qualité d’une production en boulangerie dans sa globalité, en replaçant l’artisan au plus près de ses fondamentaux. Parmi ces derniers, la qualité des matières premières est essentielle.

Cela commence par la farine, qui doit permettre de soutenir une pâte riche et sucrée. « Il est possible d’utiliser une farine de gruau française, si leur P/L est adapté (rapport ténacité/extensibilité, NDLR) », précise Quentin Berthonneau.

Dans ce cas, des adaptations de recette seront nécessaires, telles qu’une réduction du taux d’hydratation.

Cependant, des farines « spéciales panettone », généralement commercialisées par des moulins italiens, apportent une tolérance aux erreurs supplémentaires et améliorent ainsi les perspectives d’obtenir un produit fini à la hauteur de l’engagement.

En plus d’être formateur, Quentin Berthonneau travaille à mi-temps au sein de l’entreprise genevoise (Suisse) Levain, où le panettone est rentré dans les habitudes de la fin d’année.

Non contente d’utiliser des farines biologiques et locales, la structure a fait le choix de n’employer que des matières premières finement sourcées.

Un engagement qui se prolonge dans le choix des fruits utilisés pour garnir les panettones : « Pourquoi aller chercher des fruits qui viennent de loin alors que nous pouvons utiliser des produits locaux, naturellement riches en saveurs ? s’interroge le boulanger, s’inscrivant ainsi en rupture avec la pratique courante qui consiste à utiliser des fruits secs et confits provenant de fournisseurs variés. L’an passé, nous avions confit des coings en pleine saison pour les intégrer au pétrissage de la pâte. Cette année, l’opération a été renouvelée avec des fraises et du citron. »

Assumer un prix de vente en phase avec la qualité du produit

Si cette étape supplémentaire demande du temps et génère, de fait, des coûts matière plus élevés, elle participe à une démarche globale qui peut être transcrite auprès des clients pour des événements tels que Noël ou le jour de l’An : la propension à payer plus cher et à sélectionner des références dotées d’une histoire sincère et engagée.

C’est aussi un outil de différenciation et d’identité : « Chaque boulanger peut adapter les recettes en fonction de ses envies et de son savoir-faire, en utilisant tous les outils théoriques à sa disposition : sa production doit lui correspondre pleinement. »

Le boulanger-formateur cite l’exemple des « croissanteries », qui sont nombreuses à Melbourne (Australie) : « Elles mettent en œuvre du beurre et des fruits locaux, avec des croissants pouvant être vendus entre 7 et 15 $ selon les lieux et les références. » Un produit cohérent et riche en savoir-faire doit être pleinement valorisé.

Le panettone, un produit de tradition bien dans son époque

Pour renforcer la valeur perçue du produit, un emballage personnalisé peut être développé, en plus de l’indispensable moule nécessaire à la bonne tenue du produit.

Même si la logistique à déployer pour assurer une production qualitative peut sembler importante (avec notamment la nécessité de positionner les panettones tête en bas lors du ressuage, ce qui nécessite des pics adaptés et un espace aménagé pour l’opération), le caractère particulièrement rationnel d’une telle activité est à noter : elle ne nécessite pas de stockage en froid (aussi bien pour le process que pour le produit fini) et il est possible de réaliser de grandes tournées, la conservation du gâteau pouvant aller de plusieurs semaines (2 à 3) à plusieurs mois si la fabrication est parfaitement menée.

Finalement, un tel produit répond aux enjeux de l’époque : moins de consommation énergétique, pas ou peu de gaspillage, une grande facilité de transport et de partage…

Au-delà de la période des fêtes, le levain de panettone peut ensuite trouver sa place au fournil tout au long de l’année.

« Il peut être difficile pour la plupart des artisans d’en fabriquer toute l’année : la mise en œuvre de nombreux jaunes d'œufs et d'un packaging spécifique ne trouve pas toujours sa place dans une production quotidienne », dès lors, les qualités de cette pré-fermentation s’insèrent dans des brioches ou des pains de mie, qui gagnent ainsi en moelleux et en conservation.

En plus de son expertise sur le panettone, Quentin Berthonneau a travaillé sur le « shokupan », un pain de mie inspiré des traditions japonaises dont la recette a été affinée au fil des ans. La maîtrise du levain contribue, là encore, au caractère unique du pain.

Une bonne façon de rappeler que, plus que tout autre ingrédient, le savoir-faire du boulanger autour des fermentations demeurera toujours la clé de voûte d’une entreprise pérenne… pour que chaque jour soit une fête.