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Éric Bordelet, Charchigné (Mayenne)

Cidriculteur des tables étoilées

Publié le 19/08/2014

Après avoir fait ses premières armes dans l’hôtellerie-restauration, puis dans 
la sommellerie, Éric Bordelet n’a pas résisté à l’appel de la terre et des vieilles 
pierres. Sur sa terre natale de Mayenne, il applique le savoir-faire d’un vigneron 
à l’élaboration de cidres et poirés d’excellence.

Le château de Hauteville à Charchigné n’est pas un simple lieu-dit du nord de la Mayenne : il y a là un véritable château du 18e siècle, ou plutôt ce qu’il en reste depuis l’incendie de 1922. Ses pierres de granit témoignent du sous-sol typique de la Bretagne toute proche. On est aussi à deux pas d’Alençon en Normandie. «Sur mes 15ha de vergers, huit sont en AOC Calvados, indique Éric Bordelet. Je fais du calvados depuis 1997, mais il faut près d’une génération pour le commercialiser! L’alcool diminue naturellement en fûts d’un degré par an. Mon calvados est à 52-53°: encore une dizaine d’années avant qu’il soit prêt.» Avoir à disposition 400 m2 de caves voûtées, thermo-régulées naturellement, pour produire du calvados : voilà une motivation d’Éric pour restaurer le château de Hauteville, qui possède ce précieux patrimoine. Mais il a surtout besoin d’aménager le rez-de-chaussée, afin d’en faire un nouveau chai pour la production de cidre et de poiré, qui représente en moyenne 90 000 bouteilles par an. Après de nombreuses années de sacrifices, cette production le fait vivre, ainsi que son épouse, ses deux employés, et les 14 saisonniers qui assurent les trois mois de récolte manuelle.

Un grand virage

C’est un sacré pari que fait Éric Bordelet en s’installant en 1992 sur les terres familiales. Il y a de tout dans la ferme de 45 ha où ses parents ont vécu, y compris un hectare de vergers pour la consommation de la famille. Éric, lui, choisit l’école hôtelière de Granville dans la Manche, puis va travailler à Paris. «J’ai beaucoup appris avec un bon chef et un bon sommelier. Je suis monté en grade, puis je suis allé un an en Écosse pour apprendre l’anglais, indispensable pour devenir maître d’hôtel ou sommelier.» À son retour, un jeune chef à Paris lui donne sa chance en tant que sommelier : il a alors 23 ans. «Au bout de cinq ans, j’avais une belle carte de vins. Pour cela, je m’étais rapproché de la terre en allant à la rencontre des vignerons; c’est ce qui m’a donné envie…» Les parents d’Éric vont prendre leur retraite. «La réflexion a été difficile. C’est le site qui m’a décidé. Un grand virage…» Un site exceptionnel, bien qu’on n’y produise pas de vin. On y produit en revanche du cidre et du poiré avec un beau patrimoine de variétés locales. Pour s’installer, Éric suit une formation d’un an à Beaune pour obtenir un brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole (REA) en viticulture-œnologie. Pour démarrer sa production, il se met en quête de greffons de pommiers et poiriers, dans les vergers d’un bassin de 30 km2 autour de Charchigné. «Pour créer mon verger, je voulais des variétés adaptées localement, naturellement résistantes. Je goûtais et je prenais ce qui me plaisait, car j’achetais aussi à ces particuliers leurs fruits pour commencer à produire mes cidres et poirés.»

Pas fatigants à boire

«Le cidre, c’est fermier ou c’est industriel, constate Éric. Ce qui fait ma différence, c’est l’influence du sommelier. C’est le vin qui m’a construit. Je veux mettre le cidre et le poiré au niveau de certains vins, afin d’en faire des produits présentables sur les grandes tables. Comme certains vignerons, je cherche à respecter le fruit, à faire des produits fins, subtils, physiquement agréables, pas fatigants à boire, digestes.» Éric travaille le plus naturellement possible, mais ne veut pas être contraint par un label, afin de garder le maximum de liberté pour affiner encore la recette de ses produits. Pour se faire connaître des acheteurs, il s’est appuyé sur son réseau dans le monde du vin, en participant notamment à des Salons de vins naturels, en parallèle des grands rendez-vous de Vinexpo, Vinisud, Salon des vins de Loire. Puis le bouche-à-oreille a fait son œuvre. À en croire l’évolution de la production, Éric a gagné son pari. Sa gamme de 4 cidres et 2 poirés millésimés, «gastronomiques ou de soif», est vendue dans de grands restaurants, chez des cavistes, et surtout, à 75 % à l’export. «Le cidre et le poiré, ce n’est pas que pour accompagner les galettes et les crêpes! Ce sont des produits qui se marient à des plats variés, à différents moments du repas. Les étrangers ont très bien compris ça.»

Nathalie Tiers

En savoir plus : www.ericbordelet.com