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AGRICULTURE

Boulanger-jardinier, un nouveau métier dans le champ ?

Publié le 12/09/2022 |

Se reconnecter à la terre pour affronter les nouveaux défis écologiques et économiques, voilà le pari réalisé par plusieurs artisans boulangers. Cultiver ses propres fruits et légumes était une pratique jusqu'alors plutôt observée chez les cuisiniers, qui ont pris ce chemin pour répondre au développement d'une forte culture du produit dans leur profession.

Ainsi, le pâtissier-boulanger parisien Benoît Castel met à contribution son potager breton pour remplir les assiettes de son brunch de fin de semaine, en plus de réaliser des conserves distribuées dans sa jeune épicerie de la rue Sorbier. Il exprime de cette façon tout sa fidélité pour son territoire natal, en plus d'assurer une parfaite qualité et traçabilité des produits mis en oeuvre dans ses recettes. Un engagement qui remporte un vif succès, puisque la saveur de son offre est plébiscitée par un public nombreux et fidèle.
Dans sa boulangerie-restaurant du 181 rue Ordener (Paris 18è), le cathodique Julien Duboué a adopté la même logique avec les légumes cultivés sur les terres de ses parents dans le Sud-Ouest. Un choix qui lui permet de disposer d'ingrédients parfaitement accordés avec sa cuisine, qu'il décline aussi bien côté salle que dans la partie boutique, où sont disposés sandwiches, pâtisseries et pains au levain naturel.
Pour parfaire son engagement, le cuisinier a souhaité utiliser des farines de blés de population, cultivés en partenariat avec des paysans de Saint-Lon-les-Mines -village d'origine de Julien Duboué- et moulus dans le seul moulin à vent des Landes.

A Bordeaux (33), la boulangerie Terre de Beaulieu pousse le niveau d'engagement plus loin et trace une voie atypique. La génèse du projet s'est tracée bien en amont de l'apparition de la boutique, laquelle a ouvert ses portes en juillet dernier. Depuis 2019, Angélique et Jean-Christophe Lavillette cultivent des céréales, des légumes et de la vigne dans le respect de la biodiversité. Ils ont réimplanté des variétés anciennes ou/et paysannes de blés et de légumes sur des sols vivants en suivant les préceptes de la permaculture, avec pour objectif d'atteindre l'autonomie de la structure en terme d'arrosage et d'entretien de la terre. 
Après une première vie au service des nouvelles technologies, Jean-Christophe Lavillette s'est ancré dans le terroir périgourdin, plus précisément à Mareuil-en-Périgord (24). Il gère à présent cette exploitation où sont présents deux moulins à meules, lesquels permettent d'écraser du blé (Rouge du Roc, Rouge de Bordeaux), du seigle ou encore du petit épeautre, tous cultivés sur place. Les légumes sont récoltés à la main, puis transformés et mis en conserve dans la foulée, ou vont approvisionner la boutique bordelaise.
Pour ce nouvel aspect du projet, l'entrepreneur peut compter sur l'appui de son épouse et du jeune boulanger Frédéric Soliman, recruté pour l'occasion. Accompagné d'une boulangère et de deux vendeuses, il valorise le travail réalisé à la ferme, tout en incorporant des ingrédients provenant de partenaires partageant la même logique de travail (produits laitiers issus de vaches Jersiaises, ...). Le travail sur levain naturel, la longue fermentation, un pétrissage délicat (manuel pour certains produits de la gamme) et des gammes courtes s'incrivent dans le prolongement de cette démarche cohérente et respectueuse des ressources naturelles. La boutique créé un véritable trait d'union entre la terre et la table, en permettant à un public urbain de profiter de produits travaillés au plus près des matières premières, gage de goût et de qualité supérieure. Une façon originale de renouveler l'image du paysan-boulanger, partageant des engagements similaires avec une approche plus rustique. Ici, le recours à la modernité est pleinement assumé, comme en témoigne le fournil bien équipé et la salle de dégustation sur place. A découvrir au 11 Rue Duffour Dubergier, 33000 Bordeaux.

De telles initiatives prouvent qu'une approche plus verticale de la boulangerie répond à un besoin de sens, exprimé à la fois par les consommateurs et les équipes. Ces entreprises fédèrent autour d'elles des personnes engagées dans un véritable projet durable et d'intérêt commun, où la transparence et les échanges humains ont une place toute particulière. Le boulanger-jardinier, bien loin d'être une figure du passé, serait en définitive un artisan de l'avenir.