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De petites boulangeries aux idées larges

Publié le 28/09/2023 |

Alors que la tendance était, autant en boulangerie que dans le commerce généraliste, à l’augmentation des surfaces de vente, il fallait un brin d’audace et de profondes convictions pour miser sur le développement de petites boutiques, aux offres recentrées sur le pain et les gourmandises boulangères. Ces pionniers sont à présent rejoints par des profils très variés, bien décidés à peser sur l’évolution de la profession.

Lors de son installation à Angers (49) en 2009, Richard Ruan s’est inscrit à contre-courant de l’époque : dans sa « Boulangerie des Carmes », située au bord du Maine, le fournil se confond avec l’espace de vente. N’y cherchez pas de pâtisserie fine, de vitrine froide ou d’importants équipements : le Meilleur Ouvrier de France boulanger (classe 2000) a imaginé très tôt une entreprise à taille humaine, recentrée sur une gamme courte de pains et gâteaux de voyage. Depuis, l’ambiance chaleureuse et la taille humaine de l’entreprise ont séduit de nombreux autres professionnels : qu’ils soient à l’initiative de boulangers « de métier » ou de reconvertis, les projets de micro-fournils se multiplient sur le territoire, parfois associés à des horaires d’ouverture restreints. Si elle ne saurait être érigée en modèle unique, cette approche séduit des individus souhaitant limiter leur investissement ou privilégier leur qualité de vie, tout en répondant aux attentes d’une clientèle avide de pains authentiques. 

La P’tite Boulangerie veut accélérer le déploiement de fournils-boutiques miniaturisés

S’il est originaire de la région bordelaise, Pascal Rigo a vécu le rêve américain. C’est en effet de l’autre côté de l’Atlantique que l’entrepreneur, connu pour la création de la marque La Boulange, revendue au géant Starbucks, s’est fait connaître et a participé à renouveler l’offre boulangère locale : en véritable « intrapreneur », l’homme a poursuivi sa mission au sein de l’enseigne spécialiste du café pour améliorer drastiquement la composition des gourmandises sucrées distribuées dans le réseau. De retour sur ses terres natales, il a voulu reprendre pied avec le marché français. En 2016, La P’tite Boulangerie naît au Cap Ferret. Elle affiche dès le départ le visage qui sera conceptualisé par l’entreprise : une superficie totale égale ou inférieure à 70 m2 et un four situé à moins de 2 mètres du client... le tout accompagné d’un slogan qui fera mouche, au point d’être fréquemment repris « Ici rien n’est fait ailleurs », rassurant le client sur la fabrication artisanale. Le concept a été ensuite dupliqué aux Halles de Bacalan (Bordeaux, 33) ainsi qu’au sein du Carrefour Market Caudéran Ferry.

« Nous voulons imaginer une boulangerie différente », témoigne Pascal Rigo, ce qui implique de se positionner sur des emplacements atypiques, tels que les supermarchés ou les nouvelles halles de marché. « Notre objectif est d’aider des professionnels à devenir entrepreneurs, en les déchargeant des aspects tels que la gestion ou les flux d’argent, ce qui leur permet de se concentrer sur leur cœur de métier et de mieux exprimer leur créativité. » Un noble objectif que la P’tite Boulangerie a expérimenté à grande échelle en se déployant à Paris, au travers d’une « joint-venture » nouée avec le distributeur Auchan. « L’enseigne a compté un peu moins d’une vingtaine de points de vente dans des magasins de proximité, ce qui nous a permis d’éprouver le modèle. Nous ambitionnions alors d’en ouvrir une soixantaine sur ce format. Des changements de stratégie, liés à des mouvements dans l’équipe dirigeante de notre partenaire, nous ont finalement encouragés à mettre fin à l’association et à reprendre notre liberté. » Loin d’être un échec, cette première approche a permis d’affiner le concept « qui se prête bien à un magasin de type supermarché, offrant un passage de 1 500 à 2 000 clients par jour, avec une répartition de l’activité à 60 % en vente assistée et 40 % en libre-service ». 

À présent, la structure, qui a repris sa liberté, veut se redéployer en visant des boulangers plus expérimentés, en leur offrant des conditions propices à la réussite du projet. « L’investissement est moindre qu’une boulangerie traditionnelle : nous bénéficions des réseaux et fluides déjà présents, l’équipement est rationnel et nous devrions, à terme, être en mesure de réaliser des ouvertures en 2 à 3 semaines. De plus, nous pouvons rationaliser les livraisons en bénéficiant des produits déjà livrés pour le magasin présent sur le site », s’enthousiasme Pascal Rigo, qui veut développer un modèle où le boulanger, associé au capital, conserve de la liberté sur ses recettes. « La P’tite Boulangerie doit devenir une boulangerie d’ingrédients, inscrite dans une filière vertueuse et proche d'une agriculture dite “régénératrice” », tout en associant le client final à cette démarche globale : « On ne pose pas assez de questions au consommateur ! Qu’est-ce que “manger sain” ? Que voulez-vous manger ? Autant d’interrogations fondamentales dont les citoyens doivent être partie prenante, ce qui leur permettra de devenir acteurs du changement. » 

Avec Materia, Antônia Sato et Richard Ildevert ont réussi leur retour aux sources

La création de leur boulangerie à Pontchartrain (78), baptisée De Pâte à Pain avait été un succès. Au point d’échapper aux propres volontés du couple franco-brésilien : « Nous ne nous retrouvions plus dans le fonctionnement de l’entreprise. » Plutôt que d’accepter ce constat sans agir, ces artisans ont fait le choix de repartir d’une feuille blanche à Mareil-sur-Mauldre, toujours dans les Yvelines. Situé à la sortie de la ville, le fournil n’est ouvert que deux jours par semaine, le reste du temps étant consacré à la production, notamment à destination des professionnels (restaurateurs, hôtels, centres de conventions...). Ici, pas d’espace de vente dédié, une table et quelques panières suffisent : c’est le laboratoire, où œuvrent Antônia côté pâtisserie et Richard en boulangerie, qui assure le décor.