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Moisson 2022

Sécheresse en France : les grains valent de l’or

Publié le 14/10/2022

Précoce et hétérogène : ce sont les deux adjectifs qui caractérisent le mieux la moisson de blé tendre réalisée cet été en France.

Les moissonneuses-batteuses sont entrées en action avec dix jours d’avance, voire deux à trois semaines dans certains secteurs. « Avec une sécheresse observée depuis début mai, les variations de rendements sont très fortes selon les types de sol », indique Céline Imart, porte-parole d’Intercéréales.

L’organisation, qui représente les intérêts de la filière céréalière, a en effet observé une hétérogénéité inédite : si on parlait d’ordinaire de différences entre les régions, en 2022, elles sont présentes au sein d’une même exploitation. Les terrains superficiels n’ont pas été en mesure d’apporter l’eau et les nutriments nécessaires au développement des grains.

Qualité et quantité sont au rendez-vous

Si la crainte d’un très faible volume de récolte s’était exprimée, elle a été vite dissipée : selon le Service de la statistique et de la prospective (SSP) du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, la production de blé tendre est estimée à 33,9 Mt (millions de tonnes), en baisse de 3 % par rapport à la moyenne quinquennale.

La qualité est elle aussi au rendez-vous, avec des taux de protéines élevés à très élevés au sud du pays, tandis qu’ils approchent les 11 % en moyenne dans le Nord. Selon Céline Imart, « le taux de protéines va être particulièrement valorisé cette année, de par la forte demande intérieure et extérieure ».

Les poids spécifiques (remplissage du grain) se révèlent hétérogènes mais tout aussi satisfaisants, de même que les indices de chute de Hagberg, ce qui permettra de faciliter le travail des boulangers et d’obtenir des pains conformes aux attentes.

L’export sera également bien servi, avec de nombreux pays demandeurs pour le grain français, notamment du fait de la rareté de certaines sources habituelles d’approvisionnement (notamment l’Ukraine).

Les agriculteurs demeurent dans une situation précaire

Malgré des cours toujours très élevés, proches des 340 €/tonne en août, la situation des agriculteurs n’est pas pour autant meilleure. Au printemps, l’envolée rapide des prix ne leur a pas profité, la récolte 2021 étant déjà vendue à des conditions définies en amont. Dans le même temps, leurs coûts de production ont nettement augmenté : les intrants et les carburants sont devenus particulièrement coûteux.

C’est à présent la crainte d’un effet de ciseau qui plane sur des exploitations fragiles, confrontées aux nombreux aléas climatiques (grêle, sécheresse, incendies…) « Si les cours baissaient soudainement sous l’effet d’une évolution de la situation géopolitique, nos agriculteurs seraient dans une situation extrêmement tendue », souligne Céline Imart.

Cette volatilité et ces incertitudes ne leur permettent pas de se projeter et de planifier des investissements d’avenir. Le déblocage des exportations ukrainiennes grâce aux accords d’Istanbul apporte de nouvelles questions, qui ne pourront avoir de réponse qu’avec le temps et les choix réalisés par de nombreux intervenants sur la mer Noire.

Une évolution des pratiques dans les champs

Pour autant, la filière céréalière s’est déjà mise en ordre de marche depuis plusieurs années pour transformer ses méthodes de culture : développement de l’agroforesterie, rotation des cultures, implantation de légumineuses… tout est fait pour accroître le respect du sol et garantir la qualité des grains.

Du côté d’Intercéréales, on milite pour « une évolution du système assurantiel français, qui n’est pas à la hauteur des risques auxquels font face les agriculteurs », en citant l’exemple des États-Unis où « l’accompagnement et le soutien » sont bien plus adaptés à des situations de sécheresse, d’inondations ou d’épisodes de grêle et de gel.

Le sujet de l’eau est également essentiel. « La France est en retard sur le stockage de l’eau, qui tombe désormais de manière soutenue sur de courtes périodes. » Cette ressource essentielle pour l’agriculture l’est tout autant pour l’ensemble de la population : il s’agit dès lors d’un enjeu collectif de souveraineté nationale, qui nécessite une vision et un engagement politique.