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Le pain, premier aliment solide de l’enfant

Publié le 18/09/2019 |

Le socio-anthropologue Claude Fischler a réalisé une étude,pour l’Observatoire du pain, sur le rôle du pain dans les apprentissages alimentaires et sociaux des enfants en France. Explications.

Les résultats de son enquête, réalisée auprès de 800 mères d’enfants de 7 à 17 ans et de 60 adolescents de 13 à 17 ans, révèlent les contributions du pain tant sur le plan social que nutritionnel. Le pain est l’un des tout premiers aliments solides dont on laisse le bébé se saisir. C’est aussi l’un des premiers aliments identiques à ceux que les adultes ont à leur table. Plus tard, le pain est souvent le premier achat fait en autonomie par l’enfant. Le pain est très tôt associé à la notion de sécurité. À l’école, le sandwich dans le sac à dos renforce cette confiance avec une dimension supplémentaire d’autonomie. Le premier repas pris à l’extérieur, avec d’autres, sans les parents, l’est souvent avec le pain.

Pain et partage

Pour le socio-anthropologue, le principe du partage du pain va de soi. Sans aucun besoin d’explication, l’enfant l’intègre. Le pain, en France, est traditionnellement long comme la baguette ! Et le pain long, on le rompt ou on le partage facilement. Le pain en France, est le plus souvent posé sur la table. Il est frappant de constater à quel point on se souvient, longtemps après, des comportements familiaux en lien avec le pain. L’image d’un grand-père signant le pain avant de le couper ou le souvenir d’un père piquant systématiquement les croûtons de la baguette du midi ou du soir.

Les enjeux de demain

Aujourd’hui, certains parents ont tendance à demander que le pain ne soit pas au menu de la cantine le midi quand un féculent est déjà présent dans l’assiette. Cependant, ils souhaitent qu’il soit proposé au goûter car il est meilleur d'un point de vue nutritionnel qu’un biscuit… Dans ce cas, Claude Fischler estime que l’on ne pense plus « pain » mais « source de sucres lents ». Pour le chercheur, la préoccupation diététique brouille la transmission. De tels phénomènes, en progression mais minoritaires, participent à une tendance au « nutritionnisme » de la société. Ramener l’alimentation à la nutrition a des conséquences importantes : remplacer des usages traditionnels, la culture de la commensalité, par des choix individuels considérés comme rationnels et salutaires. 

 

3 QUESTIONS À ANNABELLE BIOTTI 

Diététicienne-nutritionniste, Annabelle Biotti met en perspective les principaux résultats de l’étude avec les valeurs nutritionnelles du pain pour l’enfant. 

• Quel est l’intérêt nutritionnel du pain pour l’enfant ?

Annabelle Biotti  : Le pain est une source d’énergie très appréciable pour l’apport en glucides complexes qui sont le carburant dont il a besoin en continu dans la journée. Un enfant de dix ans a les mêmes besoins nutritionnels en matière d’énergie qu’un adulte ! Consommer du pain permet de compléter l’alimentation en protéines d’origine végétale, en fibres, en vitamines et en minéraux. Et aujourd’hui, notre alimentation a tendance à être déficiente en certaines vitamines, à apporter trop peu de fibres ou à être trop riche en glucides simples au détriment des glucides complexes. On peut éviter le coup de barre de 11 heures grâce à l'apport énergétique du pain pris au cours du repas le plus important de la journée, le petit-déjeuner ! Consommer du pain permet de se mettre à table, de manger ensemble en famille. Pour un enfant, cette commensalité est bénéfique d’un point de vue social et dans la structuration de son équilibre alimentaire.

• Que pensez-vous de la tendance du « nutritionnisme » ?

A. B.  : Il y a une vraie tendance à ne plus parler de l’aliment mais uniquement de ce qu’il apporte. On ne peut cependant pas réduire un aliment aux nutriments que l’on ingère. Le risque est d'atteindre une forme de diabolisation. Un aliment n’est pourtant jamais bon ou mauvais intrinsèquement, il s’inscrit dans le système global de l’alimentation qui doit être variée, équilibrée et source de plaisir. Cette tendance au « nutritionnisme » s’inscrit avec les mouvements des « sans » qui aboutissent dans un certain nombre de cas extrêmes à des troubles du comportement alimentaire.

• Quel est le rapport des enfants au pain ?

A.B.  : La consommation de pain des enfants est généralement calquée sur celle des parents, surtout sur celle de la mère. Une maman préoccupée par son poids ou d’éventuels troubles digestifs aura tendance à diminuer la consommation de cet aliment. Ces femmes sont les héritières de la règle des « 3 P » des années quatre-vingt (pas de pâtes, pas de pain, pas de pommes de terre), qui trouve aujourd’hui une nouvelle gloire sur les réseaux sociaux. C’est dommage, car il y a chez l’enfant comme chez l’adolescent un vrai plaisir associé à la consommation de pain. Certains sont ravis d’aller chez leurs grands-parents car il y a traditionnellement du pain frais qu’ils peuvent consommer plus librement…