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Évolution du marché

Franchises : des concepts efficaces au fonctionnement hybride

Publié le 05/03/2024

En boulangerie-pâtisserie, le concept de franchise n’a rien de nouveau : dès le début des années 1990, des acteurs ont affirmé leurs ambitions sur ce terrain (Pétrin Ribeïrou, Moulin de Païou…). L’actuel changement d’échelle dénote une nouvelle capacité à structurer et reproduire des concepts efficaces au fonctionnement hybride entre industrie et artisanat.

Ange, Feuillette, Maison Bécam, Mamatte, Mariette, L’Atelier Papilles, et même le leader des réseaux de boulangerie Marie Blachère… Jamais le nombre d’enseignes misant sur la franchise (ou la licence de marque) n’a été aussi important en boulangerie-pâtisserie.

Pour mailler le territoire, miser sur des entrepreneurs locaux connaissant bien leur territoire et ses spécificités serait le choix le plus pertinent ? C’est la conviction portée par plusieurs acteurs montants du marché, comme Maxime Lefebvre. Le fondateur de l’enseigne Mamatte, pour l’heure implantée à Amiens (80) et Lille (59), défend l’idée selon laquelle "une boutique n’est jamais mieux tenue que par son propre patron". De quoi remettre en question l’approche succursaliste encore dominante au sein de la boulangerie française, et même celle adoptée par le groupe Blachère, qui a entamé un virage vers la franchise (15 ouvertures sur ce modèle en 2023) après avoir été propriétaire de l’essentiel de son parc (près de 790 points de vente).

Un format toujours plus attirant

Non seulement les mentalités ont évolué, mais la structure et les processus rationnels mis en place par les réseaux répondent aux problématiques marquées que rencontre désormais la filière : maîtrise des achats et des coûts de revient, développement de gammes et de concept en phase avec les tendances de consommation… Les atouts de ceux qui furent longtemps pointés du doigt de par leur concurrence imposée aux artisans finissent par trouver un écho favorable. Et ce bien au-delà du cercle des entrepreneurs issus d’horizons éloignés du pain, habituellement visés.

"Nous rencontrons un nombre croissant de boulangers traditionnels souhaitant rejoindre notre enseigne, un phénomène assez nouveau. Ils sont attirés par la fierté qu’ils pourraient retirer des produits vendus, dont l’identité artisanale est marquée", témoigne Jean-François Feuillette, à la tête de l’entreprise éponyme. Non content de s’adresser à de "véritables commerçants, sensibles à la relation humaine, souhaitant épouser le métier de boulanger-pâtissier", le concept a en effet bousculé les frontières entre les "pôles" du marché : avec son positionnement "visant à démocratiser la qualité dans les villes de province", Feuillette est parvenue à affirmer son style. "C’est parce que nous refusons la simplicité que nous n’avons pas de concurrents", tranche le dirigeant.

De boulanger à franchiseur : une complexe révolution culturelle

Passer de la boulangerie traditionnelle, où la culture du produit est forte, au réseau structuré est, en effet, un véritable tour de force. La reproductibilité des recettes et la robustesse des procédures sont au cœur de la transition à mener pour ceux qui s’inscrivent dans cette dynamique.

"Un diagnostic initial est indispensable pour mesurer la possibilité de dupliquer un concept : beaucoup souhaitent garantir une haute qualité artisanale, ce qui demeure compliqué à grande échelle", décrit Jérémy Cerceau, fondateur de Food Mood Consulting, qui accompagne de futurs franchiseurs dans le domaine de l’alimentaire, et plus particulièrement de la restauration ou de la boulangerie. "Il est indispensable d’associer l’usage de la technologie, le savoir-faire métier, l’optimisation des achats et des process, pour offrir une expérience client régulière et qualitative", ajoute l’entrepreneur, pour qui la boulangerie doit accélérer sa mue afin de devenir de véritables lieux de vie et de destination, aptes à accueillir le public du matin au soir.

Une approche sur laquelle les boulangers souhaitant se développer en franchise peuvent capitaliser afin de se différencier au sein d’un marché toujours plus concurrentiel. "Le développement de l’activité autour de la pause-café est un levier efficace dès lors que l’on mise sur des produits qualitatifs et que l’on apporte des éléments de réassurance aux clients sur l’origine des propositions, notamment avec un fournil ouvert. Chaque acteur du marché doit pouvoir casser les codes traditionnels du métier, tout en étant bien armé pour faire face à la concurrence, avec un laboratoire de production dédié ou encore un marketing opérationnel efficace."

Séduire et fidéliser, les clés d’une relation durable

Compte tenu de la dynamique d’ouverture entretenue par chaque enseigne, la sélection des franchisés s’avère plus que jamais stratégique : le chef d’entreprise aura la lourde charge de bâtir et fidéliser des équipes de production et de vente, un niveau d’implication bien éloigné de celui envisagé par ceux qui abordent la boulangerie sous l’angle d’un simple investissement. "Nous devons être en mesure d’accompagner près de 40 chefs d’entreprise nous ayant fait confiance", résume Jean-François Feuillette.

De quoi ouvrir la voie à une nouvelle phase de diversification : en plus de l’acquisition de la master-franchise du concept canadien de "brasserie sportive" La Cage, avec une accélération du déploiement prévue en 2024, Ange a développé son propre concept "multifrais", baptisé O’Frais. La première unité a ouvert le 5 octobre dernier à Sainte-Eulalie (33), près de Bordeaux. Difficile de ne pas y voir la volonté de reproduire le modèle de partenariat Marie Blachère-Grand Frais mais également de Prosol en propre avec sa Boulangerie du Marché… D’autant que la structure dispose désormais d’importants moyens pour accélérer le déploiement de ses ambitions, à travers la prise de participation réalisée par l’homme d’affaires Stéphane Courbit via sa structure Lov & Bread.

Même dynamique du côté du Groupe Feuillette, dont la marque Chez Lucette, "première enseigne de bouillon en franchise", devrait entamer un développement significatif courant 2025, après une première ouverture en fin d’année dans le fief de la structure, à Blois (49). "En développant une alternative aux grandes enseignes très présentes dans les zones commerciales de province, nous participons à améliorer la qualité de l’alimentation, avec des produits simples et issus de la tradition culinaire française", se réjouit le pâtissier devenu, désormais, un véritable restaurateur. Prochaine étape : le lancement du concept Feuillette Café, permettant de se positionner sur des environnements urbains, à l’image du dispositif imaginé chez Ange sous une dénomination similaire. La franchise n’a pas fini de rebattre les cartes du paysage boulanger français.

Salon Franchise Expo Paris : opération séduction

Si le vivier de candidats potentiels à la franchise est non négligeable, la visibilité des réseaux "nouvelle génération" demeure un enjeu clé : neuf enseignes seront donc représentées lors du Salon Franchise Expo Paris, du 16 au 18 mars prochain. Ange, Marie Blachère, Firmin, Sophie Lebreuilly, Land&Monkeys ou encore Maison Bécam étaient présents l’an passé, Feuillette fait son grand retour, tandis que les marques sœurs Augustin et Mariette s’invitent dans l’arène. Après la phase de séduction, chacune de ces entreprises devra multiplier les preuves d’attachement et offrir des perspectives afin de garantir la fidélité de ses nouveaux partenaires.