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CONSOMMATION

Cibler les jeunes, un effort indispensable pour les artisans

Publié le 19/10/2022

La boulangerie serait-elle devenue ringarde ? C'est en tout cas ce que laissent à penser les études de consommateurs, et notamment celle réalisée par QualiQuanti pour le compte de la Fédération des Entreprises de Boulangerie (FEB) en 2021 : on y apprend que seuls 35% des moins de 30 ans l'invitent à leur table plusieurs fois par jour, alors qu'ils sont 67% à le faire parmi les ainés de plus de 60 ans.

Face à ce phénomène, les artisans boulangers disposent d'un large éventail de pratiques pour créer un lien durable avec les plus jeunes, afin de les accompagner dans leur expérience vis à vis du pain.
Les enfants sont nombreux à accompagner leurs parents lors des achats du quotidien : il faut profiter de ces occasions pour créer une relation affective avec le boulanger, qui aura un impact positif sur l'attachement du futur consommateur vis à vis de la profession. Cela passe par des marques d'attention ciblées, visibles et peu coûteuses. A Asnières-sur-Seine (92), le boulanger-pâtissier Germain Herviaux a créé une série de coloriages sur le thème de l'alimentation, avec un habillage aux couleurs de son entreprise nommée Boka. Facilement distribuables et reproductibles, ces supports sont aussi ludiques qu'adaptés au jeune public. Un soin porté aux enfants que partage le chef étoilé Jacky Ribault : au sein de sa boulangerie Suzanne et Lucien à Noisy-le-Grand (93), chacun repart avec un bonbon... une initiative facilement duplicable et pouvant être adaptée à d'autres produits, pain y compris. La chouquette est particulièrement appréciée des plus jeunes, notamment. L'implication des équipes de vente est fondamentale pour rendre la démarche efficace et durable.


Les coloriages chez Boka

Au delà de ces gestes quotidiens, c'est la réalité du métier de boulanger qui peut être partagée à l'occasion d'événements ponctuels dans le commerce, avec des ateliers "mains à la pâte" et des visites du fournil. Le contact avec la matière est une étape importante de sa compréhension, et peut servir de base pour entretenir une relation particulière avec le produit. Signe de l'engagement des artisans dans la vie de leur environnement proche, les écoles peuvent être invitées à de telles activités, participant ainsi à l'éducation au goût des plus jeunes.
Cette éducation au goût se prolonge dans les contrats passés entre les collectivités locales et les boulangers pour assurer la fourniture du pain dans les cantines. L'enjeu n'est pas seulement de livrer des produits mais également d'en valoriser la qualité, en proposant des références plus qualitatives et savoureuses qui réduiront le gaspillage alimentaire. A une époque où la nutrition est devenue un sujet majeur de préoccupation, les pratiques dans ces lieux de restauration doivent être à la hauteur des attentes, s'éloignant ainsi de la baguette de pain courant et autres références "jetables".

L'appétence pour les pains moelleux est toujours plus marquée chez les plus jeunes : toujours selon l'étude QualiQuanti de 2021, 89% des moins de 30 ans consomment du pain de mie pré-emballé. Si la culture boulangère française reste centrée autour des produits dits "à croûte", il appartient aux artisans de reprendre des parts de marché sur ce segment en développant des propositions en phase avec les attentes de leurs consommateurs. Le pain de mie "boulanger" est souvent considéré comme trop sec, riche ou brioché, étant généralement issu d'un pétrissage générique à partir d'une recette de type viennois. Pourtant, ce produit peut mettre en oeuvre un savoir-faire spécifique, comme en témoignent les boulangers asiatiques : en utilisant des farines riches en protéines et des empois d'amidon (Tang-Zhong ou Yudané), ils obtiennent des pains extrèmement moelleux et adaptés à une large diversité d'usages, avec une excellente conservation. La boulangerie parisienne Carré Pain de Mie s'est dédiée à cet art délicat, avec un produit à l'identité singulière. Ce savoir-faire nippon a inspiré les équipes de l'ingrédientiste Millbäker, dont la nouvelle référence Sando facilite la mise en oeuvre d'un tel procédé, tout en assurant une conservation jusqu'à 7 jours.
Ce goût pour les pains doux et dépourvus d'amertume (concentrée sur la croûte) trouve des origines dans la construction du nourrisson : selon une étude scientifique, les individus sont biologiquement prédisposés dès la naissance à se tourner vers des produits sucrés, l'amer étant une sensation redoutée par les plus jeunes. Cela explique notamment le succès rencontré par les références "sans croûte" développées par de nombreux industriels, lesquelles présentent un très fort taux de pénétration dans les foyers avec enfant.

Cibler la jeunesse, c'est aussi chercher à créer de nouvelles vocations. Pour y parvenir, il est nécessaire d'entretenir une image du métier différente de celle longtemps majoritaire, où le boulanger était un ancien élève en échec scolaire : faire du pain et des gourmandises touche aussi bien les mains que la tête. Pour cela, les nombreux exemples de parcours présents dans les entreprises sont à valoriser, comme l'a fait le meunier Foricher les Moulins au travers de son initative "Boulanger / Meunier, des métiers d'avenir". Les concours sont également autant d'occasions de valoriser la reconnaissance que peut apporter un métier manuel, placé au service d'une noble cause : nourrir quotidiennement la population... des plus jeunes aux plus âgés.