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CONSOMMATION

Les boulangers à l'aube d'une transformation profonde de leur offre et de leur mission

Publié le 09/01/2024 |

Un tsunami encore silencieux attend les artisans boulangers-pâtissiers. La conjonction d'une baisse massive de la natalité, passée de 2188 naissances par jour en 2015 à seulement 1865 en 2023, de l'évolution de la composition des foyers (avec désormais seuls 11% des ménages comptant 4 individus) et de la transformations des habitudes alimentaires devrait porter un coup fatal au visage actuel des vitrines développées par les professionnels de la gourmandise. Adieu entremets et gâteaux à partager, baguette de 250 grammes et autres produits traditionnels de la filière ? Si l'annonce semble quelque peu radicale, de telles mutations ne sont pas à exclure à long terme afin de se conformer aux exigences de production et de consommation responsables.

Une démographie en mutation

Le solde naturel, qui traduit la différence entre les naissances et les décès, s'approche de zéro en France : cette situation inédite depuis la Seconde Guerre mondiale aura des conséquences directes sur la consommation alimentaire au sein du territoire. Non seulement la population sera vieillissante, mais elle finira par décliner, emmenant avec elle les perspectives de croissance pour de nombreuses entreprises... dont celles du secteur de la boulangerie-pâtisserie. Le fait est d'autant plus marqué que le dynamisme de la filière est désormais porté par les activités de restauration, qui ciblent majoritairement les actifs à l'heure du déjeuner.
Fait plus ancien, les structures familiales ont considérablement évolué ces dernières décennies : le schéma idéal du couple aux deux enfants a laissé place à des entités monoparentales ou à des familles recomposées, dont les moyens sont parfois plus limités. Leurs habitudes peuvent également être bien différentes au moment des fêtes : anniversaires, Pâques, Noël... autant d'occasions qui ne sont plus célébrées avec de grandes tablées mais dans des cercles plus restreints, à la fois pour des raisons économiques mais aussi d'humeurs : d'après un sondage réalisé par Ipsos Digital en septembre 2023 pour le compte d'Even, 49% des parents de familles recomposées considèrent les célébrations de la Saint-Sylvestre comme un moment difficile. Pas de quoi, dès lors, être tenté de se laisser aller.

Prêt à manger ou repas autour du pain, des opportunités à saisir

Dans ce contexte, une des options pouvant être explorées par les boulangers-pâtissiers est de capitaliser sur la facilité apportée par des solutions prêtes à manger : la taille moyenne d'un ménage était de 2,17 personnes en 2020 (soit bien loin des 3,08 observées en 1968), ce qui constitue une cible idéale pour de tels repas dont la préparation ne serait plus réalisée au sein du foyer, le surcoût engendré n'étant pas dissuasif comparé au temps gagné. Dès lors, l'enjeu sera de capitaliser sur les larges horaires d'ouverture des boutiques et de développer une offre pouvant répondre à la problématique du "frigo vide" pour le dîner... ou bien d'imaginer de nouvelles propositions où le pain, doté de nouvelles qualités nutritionnelles (ce sujet faisant partie des préoccupations montantes de la clientèle), pratiques et gustatives, serait le centre du repas, agrémenté des préparations sélectionnées auprès de partenaires locaux. Cette approche n'a rien de nouveau, puisqu'elle s'observe de longue date dans des pays d'Europe du Nord. 

Vers un changement des formats

Au delà d'une potentielle baisse de consommation, c'est l'adaptation des formats aux besoins de cette population mouvante qui pose question. S'orienter vers des tailles plus petites et miser quasi-exclusivement sur des portions individuelles ne ferait que répondre très partiellement aux impératifs, désormais liés, de rationalisation de la production, de réduction du gaspillage alimentaire (de tels produits offrant des durées de conservation plus limitées par leur faible taille), mais aussi de satisfaction des attentes très variées de la clientèle. Dans ce contexte, la place de la baguette de pain, pesant 250g (soit plus que la consommation journalière de deux personnes) et offrant une faible conservation, pose question. Tout comme le vrac se développe en grande distribution et dans les réseaux spécialisés (en magasin Bio notamment), la boulangerie-pâtisserie pourrait déployer sa propre approche de la consommation "à la demande", bien au delà du seul pain au poids désormais présent dans de nombreux points de vente : jambon-beurre au mètre, tartes vendues au poids, viennoiseries en plaque proposées à la part, salades servies selon le souhait du client... plusieurs artisans ont déjà exploré les formats qui pourraient préfigurer du visage futur des vitrines de boulangerie, toujours aussi attrayantes grâce à des produits généreux, à l'impact visuel garanti. Ces pionniers ont saisi l'ampleur de l'enjeu : être à la hauteur des bouleversements à venir et s'assurer de la fidélité de leur clientèle pour encore longtemps.