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AGRICULTURE

En Limagne, la recherche sur les blés du futur s'accélère

Publié le 13/06/2023 |

Ils choisissent les meilleures graines du passé, les croisent et réalisent des essais pointus : plus que jamais, le travail des sélectionneurs oeuvrant pour les semenciers est central. Développer des blés résistants aux aléas climatiques comme aux maladies et attaques de nuisibles est un enjeu majeur afin de répondre aux nouvelles contraintes climatiques tout en assurant les rendements nécessaires à l'alimentation. A Chappes, dans le Puy-de-Dôme (63), les équipes de Limagrain sont à pied d'oeuvre afin de répondre à ce défi majeur.

Pour y parvenir, elles mettent en oeuvre la précieuse bibliothèque de graines détenue par la coopérative : de la variété datant de plus de 10 000 ans aux dernières créations en passant par des noms reconnus par la meunerie tels qu'Apache, une création maison, inscrite au catalogue d'ARVALIS en 1998 et prisé pour son apport en couleur (favorise l'obtention d'une mie crème), les sélectionneurs disposent d'une vaste diversité de caractéristiques. Le coeur de leur travail est alors de réaliser les meilleurs croisements, en castrant tout d'abord les épis possédant les organes mâle et femelle, puis en attrapant les étamines d'une autres variétés avant de déposer le pollen qu'elles contiennent sur l'épi cible. Une tâche où la minutie et la patience sont de mise, avec de nombreux échecs : les essais se comptent par centaines avant de parvenir à un résultat digne d'intérêt. Ainsi, chez Limagrain, on évalue à 10 ans le temps nécessaire pour mettre au point une variété qui se distinguera. 

Accélérer la recherche pour répondre aux enjeux du dérèglement climatique

Compte tenu de l'accélération du dérèglement climatique, avec notamment des hivers plus doux qui favorisent les maladies et des sécheresses chroniques imposant un important stress hydrique aux plants, l'entreprise auvergnate optimise son processus de recherche afin de développer plus rapidement des semences adaptées aux besoins du marché. Pour y parvenir, des chambres de culture ont été déployées, au sein des quelles les équipes peuvent accélérer le processus de culture au travers d'un contrôle des températures et des apports en eau ou de l'alternance jour/nuit. Le marquage moléculaire permet également d'identifier les gènes les plus résistants, accélérant le travail de tri : en conjuguant ces dispositifs, il devient possible d'obtenir six générations de variétés en deux ans au lieu d'une par an. Un véritable bond en avant qui repose sur un savant mélange entre variétés anciennes et techniques de pointe, avec une sélection variétale qui permet de conserver uniquement les grains les plus performants en panification et en résistance, tout en conservant de bonnes qualités nutritionnelles et gustatives.

Limagrain réalise également des cultures dans des champs d'essais, avec notamment le lancement d'un programme baptisé "la matrice" : pendant douze ans, 49 hectares de terre vont être cultivés en grande culture, avec notamment 10 variétés de blé ayant évolué dans des territoires du Sud, impliquant une meilleure résistance à la chaleur. L'objectif du groupe auvergnat, qui a consacré 275 millions d'euros à la recherche en 2022, est ainsi de les adapter aux terroirs du Nord, tout en portant un soin particulier aux méthodes de rotation des cultures, d'apport en engrais ou en eau. 
Si ces recherches semblent bien éloignées de l'intérêt porté par la filière aux variétés de blé dites "paysannes", malgré leur implication dans le processus, elles demeurent plus naturelles que les manipulations déjà réalisées par des chercheurs afin d'introduire des gènes OPRIII dans le séquençage du blé afin d'améliorer sa résistance. Avec toujours un même objectif : être en mesure de ne jamais oter le pain de la bouche des populations.