L'actualité de votre univers professionnel

Entretien

Guillaume Lopez-Marcoux, L’atelier Papilles : "Il faut vendre du pain comme on vendrait une bonne bouteille de vin"

Publié le 18/04/2024
Guillaume Lopez-Marcoux, fondateur de L’atelier Papilles.

Est-ce le cap symbolique de l’ouverture d’un trentième point de vente ou la sortie iminente de la carte estivale qui nous ont donné envie de donner la parole à Guillaume Lopez-Marcoux ? Une chose est sûre : le fondateur de L’atelier Papilles ne manque pas d’idées pour faire prospérer son réseau, dans le respect de ses fournisseurs, de ses collaborateurs et des consommateurs. Rencontre.

Aujourd’hui, votre réseau compte 30 points de vente partout en France. Quels sont vos objectifs à court et moyen termes ?

Guillaume Lopez-Marcoux : Clairement, nous sommes à un moment charnière de notre développement et les choses sont en train de s’accélérer très vite. Nous prévoyons une douzaine d’ouvertures en 2024, essentiellement en franchises, dans toute la France.

L’idée est de mailler tout le territoire (métropole et Corse) et d’installer nos établissements aussi bien dans de petites, moyennes ou grandes villes, en cœur de ville comme en zone périurbaine, au gré des rencontres avec nos candidats à la franchise. Nous visons, à partir de 2025, une quinzaine d’ouvertures annuelles.

De plus, nous avons déjà des sollicitations à l’international. Nous nous y attellerons fin 2025-début 2026.

Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre carte estivale, et de vos méthodes de travail pour concevoir ces offres saisonnières ?

G. L.-M. : Une quarantaine de nouvelles recettes, basées sur des matières premières de saison, viennent dès aujourd’hui, et pour tout l’été, s’ajouter à notre "tronc commun".

Parmi les nouveautés, le burger au colin provençal (un filet de colin entier, pané, agrémenté d’une poêlée de légumes et d’épices façon provençale), un nouveau concept autour de crêpes garnies, dont une version végétarienne "à la grecque". Côté spécialités plus exotiques, qui est aussi notre marque de fabrique, nous proposons un ramen de poulet qui reprend tous les codes du genre (nouilles, légumes, œuf poché, poulet, épices…). Enfin, pour la touche sucrée : un mille-feuille chocolat-vanille revisitée prendra place dans nos vitrines. Servi sur la tranche, pour un look très tendance…

Nos offres saisonnières nécessitent quasiment 5 mois de travail. Une commission consultative, dans laquelle siègent certains de nos franchisés, se réunit 4 fois par an et s’appuie sur un brief marketing, qui recense les tendances culinaires et les matières premières qui vont être plébiscitées dans les mois ou années à venir. La commission définit le nombre de nouvelles références à sortir, le positionnement tarifaire à pratiquer, et s’assure de la simplicité de mise en œuvre et de reproductibilité… Puis nos préconisations sont transmises à notre équipe R&D qui va travailler plus spécifiquement sur le sourcing des matières premières, la confection des recettes et la création des fiches techniques.

Nous attaquerons d’ailleurs notre carte hiver 2024 très prochainement.

Bien avant que la colère des agriculteurs ne se fasse entendre en ce début d’année, vous avez fait des choix forts au sein d’Atelier Papilles, comme une collection de pains 100% responsables. Pouvez-vous nous rappeler vos engagements ?

G. L.-M. : Je souhaitais limiter au maximum la spéculation sur les matières premières alimentaires, c’est pourquoi, depuis 4 ans déjà, nous sommes labellisés Agri-Ethique, le premier label de commerce équitable français. Il faut savoir qu’en moyenne, il y a plus d’une quarantaine de transactions boursières avant que vous ne puissiez acheter une tonne de blé, soit une composante du prix très importante. Nous avons dit stop à cela en signant des accords avec notre meunier et nos organismes stockeurs.

Tous les agriculteurs avec qui nous travaillons de façon exclusive ont été sourcés en amont par notre meunier, un partenaire de choix, bio et très engagé lui aussi au sein de la filière blé. Tous se situent à moins de 100 km de l’endroit où nous stockons le fruit de leur labeur.

Nous garantissons une juste rémunération de leur travail, qui est valorisé par rapport aux circuits conventionnels ; en contrepartie, ils s’engagent sur un cahier des charges écoresponsable : traitements préventifs interdits sur toutes nos parcelles, récolte loin des zones de pollution, stock sans utilisation de pesticides…

"Notre approche est bâtie autour de la notion de réduction de l’impact carbone, de respect de la matière première et de l’homme en amont."

Cette matière première exclusive fait de nous les seuls boulangers français à passer 100% de leur volume de farine blanche en label Agri-Ethique ! Par ailleurs, pour nos pains spéciaux, nous utilisons des farines spéciales bio ou CRC, toujours cultivées en exclusivité pour nos enseignes.

Toutes ces mesures nous permettent à la fois d’être compétitifs en matière de prix d’achat, de respecter et de faire perdurer la filière des agriculteurs et d’avoir l’exclusivité de matières premières saines. Nous défendons la vision d’un modèle économique plutôt novateur dans la filière : on peut faire notre métier proprement, on peut respecter l’amont tout en étant rentable pour nos établissements. Et, de ce fait, nos agriculteurs ne sont pas ceux qui étaient dans la rue lors des récentes manifestations…

Vous êtes aussi attaché à l’hyper-proximité et à la relation client, qui définissent dans l’imaginaire les boulangeries dites "traditionnelles", mais tout en veillant aux nouvelles tendances. Comment imaginez-vous la boulangerie du futur ?

G. L.-M. : Le consommateur revient de façon ultra-significative aux produits de qualité. Une approche de "premiumisation" s’est installée depuis quelque temps et continue à monter en puissance.

La boulangerie du futur, je l’imagine avec un parcours client qui soit peut-être un peu différent, plus digitalisé, avec du conseil et de l’accompagnement. Il faut vendre du pain comme on vendrait une bonne bouteille de vin.

"Le consommateur veut désormais être conseillé, reconnu dans un établissement. L’hyperproximité revient vraiment au cœur des débats."

Chez nous, on fidélise beaucoup, on passe du temps avec nos clients, notamment à expliquer comment sont fabriqués nos produits.

Le métier évolue aussi… Historiquement, nous avons toujours eu du pain, de la viennoiserie et de la pâtisserie. Mais désormais, notre restauration boulangère atteint le même chiffre d’affaires que le pain dans notre réseau.

L’offre boissons – cafés, boissons chaudes aromatisées… – s’est également hyperdéveloppée chez nous depuis une dizaine d’années, atteignant même 12% de notre CA ! Toute la partie salon de thé – coffee shop est en train de s’affirmer très fortement ce qui nous amène à mettre en face de chaque heure de la journée un acte marchand. Le cours de matinée ou le milieu d’après-midi, périodes plutôt calmes par le passé, sont devenus des temps de consommation qui se développent chez L’atelier Papilles.