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Sain, gourmand, accessible… : la complexe équation du snacking boulanger en 2024

Publié le 05/03/2024

Alors que les activités de restauration n’ont jamais été aussi puissantes au sein de l’activité des artisans boulangers français, leur exécution se révèle toujours plus complexe. Chaque professionnel devrait être en mesure de développer une gamme diversifiée. Mais aussi de répondre à des exigences montantes en termes d’équilibre nutritionnel, riche en goût et en textures… Tout en demeurant accessible, alors même que les matières premières ont connu une inflation inédite ces derniers mois. La montée en gamme opérée à l’échelle du marché du snacking serait-elle arrivée à son terme, ouvrant la voie à une nouvelle séquence de transformation de l’offre ?

Une partie de la croissance observée en restauration rapide avait été portée, ces dernières années, par le développement d’un segment "gourmet" : burgers haut de gamme, concepts portés par de grands chefs, recettes élaborées avec des ingrédients issus de filières vertueuses et sélectionnées… Jòia Bun (Hélène Darroze), Croque Michel (Michel Sarran), MarXito (Thierry Marx) : autant de références désormais disparues de la scène gastronomique.

Les difficultés s’expriment de façon bien plus large : selon des chiffres communiqués par Altares, 2.832 établissements dédiés au snacking ont été concernés par des procédures en 2023, soit une progression de plus 58,5% par rapport à 2022, alors même que les défaillances s’élevaient à 1.099 dans le secteur de la boulangerie-pâtisserie (+25,7 %).

Le modèle plus diversifié de la boulangerie et sa capacité à attirer la clientèle tout au long de la journée sont deux éléments clé de sa solidité… et répondent à l’évolution des habitudes de consommation, puisque les pauses salées ou sucrées ne se limitent plus aux heures des repas traditionnels.

Le végétal : tendance lourde ou éphémère ?

Parmi les tendances observées à l’échelle de l’alimentation, le végétal s’est imposé comme l’une des plus visibles ces dernières années, mais semble aujourd’hui atteindre un "plafond de verre" que les entreprises engagées sur ce segment cherchent à faire disparaître. Ce marché, perçu par certains observateurs comme mature, atteignait un chiffre d’affaires de 469 millions d’euros en 2023 selon l’institut d’études économiques Xerfi. D’ici à 2025, cette même variable devrait chuter à 453 millions d’euros. D’où la nécessité, pour les fournisseurs comme pour les transformateurs, dont les boulangers-pâtissiers, de renforcer leur offre (avec des innovations) et leurs efforts de pédagogie pour continuer à fédérer autour de la transition alimentaire. Les priorités des consommateurs se sont en effet recentrées sous l’effet de l’inflation : si la volonté affirmée par 67% d’entre eux en 2022 de se tourner vers une alimentation plus saine demeure présente dans les esprits, elle se concrétise moins dans les actes (source : Étude Kantar Insights Food 360, 2022).

Santé, environnement, solidarité : trois raisons d’accélérer les mutations

Pourtant, l’urgence est palpable : 47,3% des adultes français seraient obèses ou en surpoids, avec une accélération marquée chez les plus jeunes (source : Inserm, février 2023). La santé n’est pas le seul aspect poussant à accélérer les transformations : l’alimentation représente 22% du bilan carbone moyen d’un citoyen français, dont une très forte représentation des produits agroalimentaires transformés (51% du total du secteur alimentaire), tout autant que des matières premières carnées, très présentes en restauration rapide (l’une des plus carnées, un résultat contre-intuitif puisque la viande était historiquement un produit de luxe).

Si la conjonction de ces éléments a des conséquences à moyen et long terme, un autre élément plus proche de notre quotidien doit désormais peser dans les choix participant à la création d’une offre de restauration : la colère agricole, exprimée par de nombreux mouvements spontanés à travers le pays, traduit la rémunération insuffisante perçue par de nombreux éleveurs et producteurs pour leur travail.

Ces derniers font office de variable d’ajustement pour le secteur de la distribution, engagé dans un véritable bras de fer avec les acteurs de l’amont depuis le début de la séquence d’inflation en cours : pour répondre aux exigences des consommateurs, le prix de l’alimentation – et par extension de l’offre de snacking – devrait demeurer anormalement bas. Cela se concrétise notamment par les tarifs pratiqués en boulangerie, qui peinent à progresser : les boulangers doivent faire face à la vive réprobation du public dès lors qu’ils augmentent le prix de produits emblématiques (baguette, croissant ou même sandwich jambon-beurre). L’inflation en boulangerie est demeurée bien plus basse que dans les autres métiers de l’alimentaire et les opérateurs sont alors contraints de mettre en œuvre des choix discutables quant à leurs approvisionnements en matières premières : si la farine demeure 100% française dans la plupart des cas, c’est bien moins vrai pour les autres matières premières agricoles…

Reconstruire la logique d’approvisionnement et l’offre

Fruits, légumes ou viandes importés… L’orthodoxie en gestion, devenue primordiale aux yeux de nombreux chefs d’entreprise, a des conséquences mesurables sur l’environnement qui entoure la boulangerie-pâtisserie : chaque choix a des externalités positives ou négatives, et celui d’affirmer – ou non – sa solidarité vis-à-vis des filières agricoles françaises également.

Adopter des pratiques similaires à celles de la grande distribution, avec une priorisation du prix et un effort de négociation permanent, aurait des effets dévastateurs. Parmi les solutions durables à intégrer : revenir à des recettes plus simples, avec des ingrédients bruts et locaux, pourrait parvenir à répondre aux multiples enjeux de la filière.

De par son ancrage dans un tissu économique local, le boulanger pourrait ainsi être le portrait du cuisinier de demain, inscrit dans une forme de sobriété heureuse. Pour réussir cette mue, il pourra compter sur le retour en grâce de l’une de ses préparations emblématiques : le sandwich répond aux attentes d’authenticité de l’époque, en marge de la vision d’une culinaire mondialisée dont le burger est le porte-drapeau. Bien loin de la tristesse ou de la commodité, il est devenu un aliment plaisir. Charge ensuite à chaque opérateur de se l’approprier avec savoir-faire… et exigence.

À l’intersection des tendances

Toutes ces tendances seront placées au cœur du Salon Sandwich & Snack Show, qui représentera pendant deux jours, les 13 et 14 mars prochains, un secteur riche en innovations. Avec 400 exposants annoncés (soit 50 de plus qu’en 2023, et donc une croissance de 15% de la zone d’exposition), l’événement renoue avec ses grandes années. "Nous avons été contraints de mettre en place une liste d’attente pour des exposants potentiels. 35% des marques présentes le seront pour la première fois, et de grands noms font leur retour, à l’image de Lesieur ou PepsiCo", détaille Béatrice Gravier, directrice des Salons Sandwich & Snack Show/Parizza.

En 2025, l’événement sera repositionné un étage plus haut, dans le Hall 7.2, bien plus capacitaire, afin d’accueillir confortablement visiteurs et partenaires. Un mouvement symbolique, puisqu’il avait déjà occupé cet espace à son apogée, en 2018. "Nous ressentons que le Salon est particulièrement fédérateur", se réjouit l’organisatrice, plus que jamais convaincue de son potentiel.