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Quelles perspectives côté factures pour les boulangers-pâtissiers ?

Publié le 12/01/2024

Le mécanisme actuel de construction des prix de l’énergie est fréquemment pointé du doigt : il serait en effet responsable de la crise traversée à l’hiver dernier, de par ses fondations liées au coût des combustibles fossiles utilisés pour la production d’électricité. Avec la fin annoncée du bouclier tarifaire (au 1er janvier 2025) et de l’Arenh (le 31 décembre 2025), les incertitudes se renforcent dans les fournils, d’autant que de nombreux artisans continuent d’être frappés par des factures très élevées. La réforme annoncée du marché au niveau européen pourrait apporter une vague de sérénité indispensable pour envisager l’avenir.

L e sujet est devenu récurrent dans les titres de presse régionale : les boulangers n’hésitent plus à témoigner de leurs difficultés face à des charges en constante augmentation, ce qui tranche avec la traditionnelle discrétion de la profession sur le fonctionnement de ses entreprises. Toutes les typologies d’artisan sont touchées : aussi bien le « boulanger du village » que l’entrepreneur bien implanté. À Sennecey-le-Grand (Saône-et-Loire [71], 3 000 habitants), Anthony Trontin exprimait à la fin de l’automne, auprès de France 3 Bourgogne-Franche Comté, son inquiétude suite à la multiplication par trois de ses factures d’énergie, passant de 3 000 euros à près de 10 000 euros par trimestre.

Au-delà des chiffres, l’absence de perspectives minait le moral des boulangers : le prolongement des mesures d’aide demeurait incertain. La réponse a été apportée par les pouvoirs publics, qui ont confirmé le maintien de l’amortisseur pour les 750 000 professionnels en bénéficiant, ces derniers ayant souscrit un contrat lorsque les prix de l’énergie étaient au plus haut, c’est-à-dire avant le 30 juin 2023. Quelques modifications sont cependant apportées au dispositif : la prise en charge par l’État ne sera mise en œuvre qu’à partir de 250 euros le MWh, contre 180 euros le MWh en 2023. La facture fera quant à elle l’objet d’une couverture 75 % sans plafond (contre 50 % en 2023). Cela pose de nouvelles questions pour les entreprises qui se trouveront, de fait, exclues de l’amortisseur puisque leur prix se trouvera en dessous de 250 euros le MWh : elles feront alors face à des factures en forte hausse, cette dernière pouvant aller jusqu’à 38 %.

Une étape majeure franchie à la mi-octobre 2023

Dans ce contexte, la réforme du marché européen de l’énergie, promise depuis plusieurs mois, suscite de grandes attentes. Le 17 octobre 2023, le Conseil de l’Europe a finalement approuvé une orientation générale portant sur cette dernière, après de nombreuses tractations entre les pays membres, et plus particulièrement l’Allemagne et la France, opposés sur le sujet du nucléaire. Les réacteurs sont finalement intégrés au nouveau dispositif, ce qui sonne comme une véritable victoire pour le camp français. Il s’agit notamment de définir une stratégie sur l’investissement public dans la production d’énergie décarbonée… mais aussi et surtout d’instaurer des « contrats pour la différence » (CFD), passés entre les producteurs d’électricité et les États membres. Concrètement, ce dispositif permet aux fournisseurs d’énergie d’obtenir des prix minimums garantis (avec compensation si les cours descendent en dessous), avec en contrepartie un plafond au-delà duquel l’État récupère le surplus. La concurrence entre les pays membres de l’Union devra également être mieux régulée, sans que les détails du dispositif ne soient connus pour l’heure.

La promesse d’une plus grande stabilité… à moyen terme

Ainsi, ce nouveau mode de fonctionnement doit permettre de protéger les consommateurs et entreprises vis-à-vis de la volatilité des prix, tout en rapprochant les factures des coûts réels de production et en garantissant aux producteurs d’énergie de bénéficier de revenus stables. L’écrêtage réalisé lors des périodes « hautes » financera la construction de nouvelles centrales nucléaires, parcs éoliens ou solaires, etc. (la part du solaire et de l’éolien dans la production d’énergie doit plus que doubler d’ici à 2030, selon les objectifs européens) qui participeront à l’élévation des capacités de fourniture d’électricité, devenue indispensable face à la transition massive des usages (transports, chauffage…) vers cette dernière.

Les promesses énoncées ne devraient pas se concrétiser en 2024 : le projet doit encore être validé par le Parlement européen, et les factures des artisans sont très souvent définies pour l’année à venir, voire pour la suivante. Il faudra sans doute attendre l’année 2026 pour que la réforme porte réellement ses fruits. Une éternité pour des entreprises confrontées à des difficultés réelles et immédiates. Autre dispositif devant voir le jour à la même période : la mise en place d’un tarif réglementé pour l’énergie, accessible à toutes les très petites entreprises (TPE), y compris celles ayant souscrit à une puissance supérieure à 36kVA.

La promesse a été formulée mi-novembre 2023 par le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, dans le prolongement du développement d’un nouveau mécanisme de régulation des prix de l’énergie, qui devra remplacer le système en vigueur, baptisé l’Arenh. L’État et EDF, renationalisé depuis quelques mois, sont parvenus à trouver un accord sur le prix de l’électricité nucléaire, qui se situera aux alentours de 70 euros le mégawattheure (MWh) et ce pour la totalité de la production (alors qu’EDF vend aujourd’hui un tiers de l’énergie nucléaire au tarif Arenh de 42 euros le MWh). Ainsi, les consommateurs devraient bénéficier d’une plus grande stabilité -laquelle serait « garantie » selon le ministre- en termes de facturation, tout en assurant la compétitivité du secteur industriel ou encore les investissements nécessaires afin de développer la production d’électricité sur le territoire français.

Des progrès contrastés pour les utilisateurs

L’objectif est double : éviter la volatilité des prix et mettre fin au système de bouclier tarifaire, lequel doit disparaître fin 2024, sans pour autant impacter massivement l’économie et les ménages. Un système de captation progressive des revenus, proche de l’écrêtage décidé par la Commission européenne dans le cadre de la réforme du marché européen de l’énergie, s’appliquera lorsque le tarif de marché sera au-dessus de 78 euros le MWh, à hauteur de 50 % à partir de ce seuil et jusqu’à 90 % si le cours dépassait les 110 euros. Les utilisateurs bénéficieront ensuite de ces sommes sur leurs factures. Cependant, des voix s’élèvent dès à présent pour dénoncer ce niveau de prix, bien supérieur à celui observé actuellement via l’Arenh et sensiblement plus élevé que le coût de production évalué à 60 euros/MWh par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). De plus, la protection n’existerait réellement qu’au delà de 110 euros le MWh, demeurant très partielle en dessous. Le grand gagnant de ces nouvelles mesures pourrait donc être EDF, qui bénéficiera de marges plus confortables… au détriment d’utilisateurs pour qui l’énergie est devenue un sujet de préoccupation majeure, à l’image des boulangers.