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Chocolat

Pâques 2024, l’éclosion d’un chocolat toujours plus neuf

Publié le 18/01/2024

Poules, œufs, lapins… à chaque début de printemps, les artisans ne semblent avoir qu’une seule option : rentrer dans le moule. Un choix battu en brèche par des tendances et événements, à la fois exogènes et propres à la filière : pressés par la concurrence et la hausse du prix des matières premières, les professionnels doivent désormais être en mesure de se différencier par la gourmandise, l’équilibre prix/plaisir de leurs réalisations et leur capacité à prouver un engagement dans une démarche éthique et durable.

Satisfaire les yeux des petits comme ceux des grands : le cœur de la mission des chocolats de Pâques se résumait principalement ainsi pendant de nombreuses années. Dès lors, l’essentiel était de proposer des produits brillants, aux formes et couleurs attrayantes, sans se soucier de la qualité de la matière première mise en œuvre.

Désormais, 58 % consommateurs européens (en Europe de l’Ouest) préfèrent se tourner vers des expériences chocolatées riches en textures et en saveurs (source Étude interne Barry Callebaut à l’échelle mondiale, 08/2023), ce qui impose à l’ensemble des acteurs de la filière de développer de nouvelles approches.

« Pâques est de plus en plus gourmand, constatent les chefs de l’École Valrhona. L’arrivée de nouvelles couleurs de chocolat, telles que Dulcey, a marqué le début d’une nouvelle phase de développement de l’offre : avec des produits aux multiples couches (lait-blond, noir-blond…), c’est une démarche autour du goût des sujets qui s’est progressivement déployée. »

Ce travail autour de la superposition est une opportunité pour apporter des saveurs et textures qui renouvellent profondément l’expérience de dégustation jusqu’alors offerte par un œuf, une cloche ou toute autre forme : caramels aromatisés (épices, café…), pralinés de multiples fruits secs ou graines (pistache, cacahuète, sarrasin, sésame…) chaque artisan peut apporter sa propre signature, au-delà même des formes et montages qui servaient jadis de marqueurs exclusifs pour la créativité et l’identité d’un pâtissier-chocolatier.

Autre tendance marquante : le développement des incrustations sur les sujets. Ce que certains ont baptisé « œufs mendiants » s’impose progressivement dans le paysage gourmand. « La tradition offrait peu de choix aux artisans : les œufs étaient généralement en chocolat ou en nougat. Aujourd’hui, les inclusions de noisettes ou amandes, fruits confits ou céréales renforcent l’impact visuel du produit et le plaisir à la dégustation. »

DES COUVERTURES LACTÉES MOINS SUCRÉES

Si le chocolat au lait est apprécié des plus jeunes, l’attention portée à la consommation de sucre au sein de ce public impose de se tourner vers des couvertures contenant plus de cacao et moins de sucre. 72 % des consommateurs apprécieraient de déguster des chocolats au lait conçus dans cet esprit (source Étude interne Barry Callebaut à l’échelle mondiale, 08/2023).

Ce qui laisse présager une forte croissance sur le segment naissant des « dark milk » (chocolats au lait à haut pourcentage en cacao), véritables hybrides aux saveurs singulières, déjà explorés par des acteurs tels que Valrhona (avec Hukambi 53 %) ou Van Leer (avec Tulsa 55 %) de l’autre côté de l’Atlantique. Une première étape serait de se tourner vers des références offrant une teneur en cacao supérieure à 40 %, à la sensation sucrée moins marquée que les couvertures d’entrée de gamme encore fréquemment employées pour les moulages de Pâques.

Apporter une dimension artistique aux standards de la période

Ce fameux impact visuel ne saurait se baser uniquement sur des moules prêts à l’emploi, développant de fait une certaine uniformité entre les différentes boutiques. « Plus que jamais, en 2024, l’artisan devra sortir des sentiers battus et mettre en œuvre des gestes techniques pour personnaliser ses réalisations. » L’œuf est un parfait exemplaire : élargir les contours de cette figure imposée n’est ni complexe, ni synonyme d’un travail long et fastidieux. Les formateurs de l’École Valrhona Paris se sont appliqués à cette tâche en donnant une dimension graphique à cette icône de la période, faisant de chaque pièce une création unique et une forme singulière d’art comestible.

« La clientèle a développé sa curiosité vis-à-vis de l’univers du chocolat et de la pâtisserie au travers des émissions télévisées ou des réseaux sociaux : désormais inondé d’images, elle dispose d’éléments de comparaison et de nouvelles envies. Peu importe l’environnement où un artisan est situé, qu’il s’agisse d’une zone urbaine ou rurale, il est indispensable de l’écouter et de lui proposer de nouveaux produits. »

Guimauves, fruits secs… l’offre s’élargit pour garantir saveurs et rentabilité

Cet effort de création et de renouvellement de l’offre est accéléré par les variables économiques. Face à la hausse des prix des matières premières, des arbitrages sont nécessaires dès la conception des produits afin d’obtenir un rapport idéal entre coût de revient et satisfaction de la clientèle.

Dans les mois à venir, la flambée des cours du cacao aura des conséquences directes sur les tarifs pratiqués par les couverturiers, ce qui imposera de nouveaux équilibres. « Les produits de Pâques ne sont pas limités au seul univers du chocolat : il est au contraire possible de les garnir avec une large variété de confiseries, à l’image des guimauves, ou de fruits secs enrobés/caramélisés afin de diversifier l’offre, en plus ou en remplacement des fritures. »

Une sobriété imposée dans les couleurs autant que dans les emballages

Autre élément ayant amené une transformation de l’aspect des créations pascales : l’abandon progressif des colorants, et tout particulièrement des références azoïques, en raison de leur impact négatif sur la santé humaine.

Dès lors, c’est une nouvelle forme de sobriété qui s’est imposée : lait, blanc, noir, blond… les nuances naturelles du chocolat animent désormais les vitrines. « Des couleurs supplémentaires peuvent être ajoutées par des rubans mais aussi par les emballages : de nombreuses maisons ont développé leur propre code couleur qui met en valeur les produits et tranche avec la profondeur du cacao », notent les formateurs de l’École Valrhona, lesquels sont en contact permanent avec des chefs aussi bien au travers de stages que d’échanges plus informels.

Les emballages sont en effet devenus un sujet supplémentaire à considérer pour les professionnels du goût : si le réemploi semble encore illusoire pour des chocolats spécifiques et généralement destinés à être offerts tels que ceux de Pâques, les évolutions réglementaires mises en place par le législateur incitent la filière à sortir du plastique et à envisager différemment la mise en valeur de ses créations. « Les boîtes entièrement transparentes disparaissent progressivement : en plus d’être composées exclusivement de plastique, elles sont peu pratiques car salissantes (traces de doigts ou de poussière, par exemple). »

Ce sont en définitive des supports associant carton et plastique, avec une fenêtre laissant apparaître le produit, qui s’imposent désormais… non sans poser d’autres problématiques, puisque leur recyclage est impossible du fait de la présence de deux matériaux. « Opérer la transition vers des boîtes 100 % carton, donc entièrement opaques, n’est pas impossible mais il est nécessaire de l’accompagner d’une communication dédiée pour sensibiliser la clientèle à cette évolution majeure. Cela peut être une occasion idéale pour les professionnels de prendre la parole et de témoigner de leur engagement dans une démarche cohérente et durable. »

Un effort tout particulier sera également nécessaire en boutique afin de présenter des produits dans des vitrines protégées et avec une mise en scène aboutie, afin de préserver l’attractivité de l’offre auprès des clients Des fabricants d’emballages s’engagent pour accompagner cette transition en intégrant dans leurs collections des boîtes 100 % carton aux visuels attrayants : c’est notamment le cas de l’entreprise française Lebhar, qui a dévoilé dans sa gamme Pâques 2024 les séries Artistique et Exotique, avec intérieur blanc apte au contact alimentaire, dans des formats adaptés aux œufs et aux poules.

Réinventer le traditionnel Nid de Pâques

Puisque Pâques est également une fête propice à la consommation de pâtisseries, les artisans ont de longue date imaginé des douceurs faisant écho à la thématique des œufs et du renouveau apporté par le début du printemps. C’est ainsi qu’est né le fameux Nid de Pâques, un gâteau associant un biscuit moelleux (généralement une génoise) à plusieurs couches de crème au beurre.

« Proposer une alternative plus légère et moderne peut se révéler être un choix particulièrement judicieux afin de se démarquer et cibler une clientèle plus jeune. »

D’autant que les supports ne manquent pas pour y parvenir : le moule à baba, par sa forme, trace naturellement un nid… Les savoureuses brioches réalisées à l’aide de ce support peuvent ensuite être imbibées et garnies de crèmes légères ainsi que des premières baies de saison, apportant un contraste fruité aux chocolats dégustés par ailleurs. Une façon supplémentaire de démontrer que Pâques est la période de tous les renouveaux : le printemps sera désormais propice aux idées fraîches, mettant en avant un chocolat toujours plus neuf pour éviter que la fête ne finisse par être cloche.