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Métier

Mickaël Martinez a fait de L’« art de la viennoiserie » le cœur de son entreprise

Publié le 22/01/2024

Dans le quartier de la Pointe Rouge, à Marseille (13), une adresse s’est bâti une solide réputation en seulement un an : c’est au 67 avenue de Montredon que Mickaël Martinez a posé ses valises après un parcours au sein d’établissements prestigieux, où il sera sensibilisé à la culture du détail. Autant d’expériences au cours desquelles il se spécialise dans l’art délicat de la viennoiserie, l’abordant avec rigueur et esprit créatif, désormais placés au service de sa clientèle. Pour ce fils d’artisan, s’installer en apportant une vision renouvelée de son métier était une évidence. 

Sur la façade, le ton est donné « l’art de la viennoiserie » se place en sous-titre du nom de l’artisan. Un choix qui ne doit rien au hasard. « Cet aspect du métier a trop longtemps été placé au second plan », regrette Mickaël Martinez, bien décidé à changer cet état de fait. Pour ce finaliste du concours Meilleur Ouvrier de France Boulanger 2018, les boulangers sont désormais contraints de se recentrer sur leurs fondamentaux pour mieux maîtriser leurs gammes. « Les consommateurs ont besoin d’aller chez un spécialiste : la diversification ne permet pas toujours d’offrir la qualité que sont en droit d’attendre nos clients. »

Cette exigence, l’artisan l’a développé au sein de la Maison Kayser, pour laquelle il naviguera entre Paris, Londres et Monaco, puis pendant sept ans dans le secteur de l’hôtellerie de luxe : « En fabriquant du pain et des viennoiseries pour des restaurants étoilés (notamment au sein du Château de la Gaude, à Aix-en-Provence - 13, N.D.L.R.), j’ai développé mes aptitudes techniques autant qu’une volonté de surprendre les clients en permanence. Dans certains établissements, comme à Londres, nous fabriquions chaque jour d’importants volumes de viennoiserie en f rais, sans recourir à la congélation : la qualité du produit fini m’a convaincu d’organiser mon entreprise autour du poste du tour quand je m’installerais. » C’est désormais chose faite : en octobre 2022, le boulanger a fait son « retour aux sources » en ouvrant sa boutique dans sa région natale.

Des viennoiseries réalisées chaque jour sans recours au froid négatif

Mickaël Martinez n’a pas transigé avec ses engagements : dans son laboratoire, toutes les références feuilletées sont fabriquées sur trois jours (pétrissage le jour 1, façonnage le jour 2, cuisson le jour 3) pour respecter les temps de repos. « Utiliser le froid négatif est devenu commun pour réaliser des viennoiseries, les artisans souhaitant avoir de l’avance pour parer aux imprévus. Pourtant, les pertes en volume et en goût sont réelles. Miser sur les produits frais permet de vendre plus, même si l’organisation est différente et la masse salariale plus élevée. »

Ces efforts sur les produits, réalisés à partir d’une farine de gruau sélectionnée et de beurre AOP, trouvent leur prolongement dans l’espace de vente. « Nous ne proposons pas de pâtisserie mais nos créations feuilletées sont présentées de la même façon que ces créations sucrées. L’expérience client est essentielle pour garantir la satisfaction du client : non seulement le produit doit être beau, mais il doit être bien vendu. C’est pourquoi nous n’hésitons pas à mettre les viennoiseries en boîte carton quand le client en achète quatre ou cinq : ainsi, leur visuel n’est pas dégradé pendant le transport. »

Suisse chocolat revisité, nœud papillon au caramel, pain aux raisins moderne, barres noisette… chaque produit prend place dans un écrin sobre et soigné. « Chaque jour, l’équipe de production réalise la mise en place : cela permet à chacun de se rendre compte du résultat, de mesurer l’impact de son travail. » La communication avec le personnel de vente tout autant que sa valorisation (avec une rémunération adaptée) sont primordiaux : « Nous pouvons réaliser les meilleurs croissants, s’ils sont mal vendus, ils perdent beaucoup de valeur ! »

Associer goût et visuel pour un plaisir intense

Si l’artisan a pleinement pris la mesure de l’importance de l’aspect des produits, qui sont fréquemment pris en photo et publiés sur les réseaux sociaux, le goût demeure le cœur du travail mené par Mickaël Martinez. « Il faut que le client ait envie de traverser la ville pour goûter le produit, mais la déception peut être terrible si la dégustation n’est pas à la hauteur de la promesse. Désormais, tout le monde a la parole, l’erreur n’est plus permise. »

Pour parvenir à cette fameuse satisfaction, le chef d’entreprise mise sur des inserts généreux, « beaucoup de produits contiennent autant de garniture que de pâte » et un processus de création exigeant : « Quand je crée une viennoiserie, je la goûte entière, en me posant plusieurs questions : est-ce que j’y reviendrais, est-ce que serais prêt à me déplacer spécialement pour ce produit… tout en réfléchissant la quantité idéale et l’équilibre goût/visuel. »

Une fois l’idée lancée, l’équipe est impliquée très tôt dans son développement pour transmettre l’ensemble des gestes nécessaires à la fabrication. La compréhension des pâtes est indispensable à la régularité des produits, et l’artisan peut compter sur l’implication de ses collaborateurs : ils sont désormais six à œuvrer au laboratoire. « Qu’ils viennent de Lille, Strasbourg ou encore Grenoble, chacun a été attiré par l’opportunité de réaliser des produits qui sortent de l’ordinaire. » La viennoiserie créative devient ainsi un outil de recrutement efficace, autant qu’un support de management : la compréhension mutuelle instaurée dans l’entreprise créée un sentiment d’appartenance fort, auquel les deux apprentis présents dans la structure sont associés.

Transmettre et rester accessible

En plus de sa casquette de chef d’entreprise, Mickaël Martinez continue de réaliser des formations au sein de divers instituts, en France comme à l’international : « Je ressens un vrai engouement pour la viennoiserie créative : les stages sont rapidement complets. La boutique m’a donné une crédibilité supplémentaire, puisque j’y reproduis les recettes que j’enseigne. Ensuite, il faut que chaque participant se donne les moyens de mettre en œuvre la démarche, en installant un laboratoire de viennoiserie dédié et en utilisant des matières premières de qualité. Ceux qui le font ont d’excellents résultats, avec une progression des ventes et la possibilité de pratiquer des prix supérieurs à leurs standards précédents. »

La valorisation des produits feuilletés ou briochés est en effet une problématique observée par de nombreux professionnels : la propension à payer des clients est parfois assez faible, et tout particulièrement pour des références incontournables telles que le croissant ou le pain au chocolat. « À Marseille, nous demeurons une boulangerie de quartier, c’est pourquoi j’ai soigné l’accessibilité de mes “basiques”, avec un croissant à 1,30 € et un pain au chocolat à 1,40 €, tout en offrant des poids généreux. Pourtant, la population locale m’a reproché d’être cher lors de mon ouverture. Avec le temps, ils ont pris conscience du travail réalisé en amont et ont été séduits par la qualité globale de la prestation, incluant le produit, la tenue de la boutique et le service. »

Pour crédibiliser de façon durable la viennoiserie comme une alternative à la pâtisserie, les boulangers devraient désormais adopter une approche semblable à celle des orfèvres du sucré, en misant sur des produits de saison « À l’automne, nous avions réalisé un suisse à la figue, à partir de fruits d’un producteur local », se souvient le boulanger. De quoi animer les vitrines et permettre à chacun de se défaire des tartes et entremets, tel que l’a fait Mickaël Martinez dès son installation… et ainsi valoriser pleinement le savoir-faire unique d’un artisan maître de ses fermentations et de son laminoir.