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DISTRIBUTION

Comment le Pain est devenu un outil des discounters

Publié le 05/09/2022 |

Pour sa réouverture, le magasin Lidl de Nanterre a vu les choses en grand. Sa surface de vente jauge à présent 2300m2, soit 600m2 de plus qu'avant les travaux réalisés pour exploiter pleinement la coque à sa disposition. Les clients se pressent dans le magasin, dont la façade a été ornée d'un gigantesque sticker façon paquet cadeau.
En entrant, comme dans l'ensemble des unités rénovées ou créées selon les derniers concepts de l'enseigne, c'est le pain et la viennoiserie qui débutent le parcours client. En quelques années, le distributeur allemand a imposé ses codes à de nombreux autres enseignes, qui les adoptent progressivement : de vastes meubles où les produits sont disposés en libre-service, avec rechargement par l'arrière pour une parfaite fluidité dans le réassort.

La mécanique est bien huilée et ne nécessite que peu de personnel, l'ensemble des référence étant distribué et stocké en froid négatif pour être prêts à cuire. Ainsi, les produits sont remis en oeuvre au fil de la journée, assurant fraicheur et ambiance olfactive dans le magasin. 
Cet ensemble, associé à une offre large (intégrant baguettes, pains variés, viennoiseries feuilletées, briochées et gâteaux de voyage) et à des prix bas, a participé à la moitié en puissance de la distribution discount en France. Dans les années 90, le "hard-discount" était un segment d'offre paupérisant, avec des magasins aussi minimalistes que leurs services. Ces entreprises ont réalisé un effort conséquent de normalisation, et d'une certaine façon de montée en gamme, de leurs espaces de vente autant que de leur positionnement global.
Si la baguette à 29cts proposée par Leclerc a fait grand bruit, le Pain est également utilisé dans ces enseignes comme un puissant outil de flux, avec un modèle qui pose aujourd'hui question avec la notion de sobriété énergétique, devenu un enjeu majeur de la transformation de nos modes de transformation et de consommation. En effet, pour assurer ce modèle à bas coût, les pains et gourmandises auront parcouru de nombreux kilomètres, avec la nécessité de les maintenir à température négative.

Face à cette concurrence, la boulangerie artisanale a de véritables atouts à mettre en valeur : elle fait vivre une filière céréalière locale et créé des emplois qualifiés sur son territoire, en transmettant du savoir-faire et en créant du lien social. L'impact écologique plus faible de ses produits est également un sujet pouvant orienter le choix des consommateurs.
Cependant, l'exemple de ces distributeurs à l'exécution millimétrée et aux processus industriels, peut amener des outils pour faire évoluer les méthodes des artisans indépendants, qui gagneraient à rationaliser leurs productions... pour mieux en préserver le caractère accessible, dans un contexte d'inflation généralisée. 
Si de nombreux clients sont prêts à payer plus cher pour une alimentation de qualité, l'augmentation du coût de la vie pèse sur l'ensemble des ménages. Selon l'Étude Kantar Insights Food 360 2022, 14% des consommateurs ne sont pas prêts à payer plus pour des produits plus sains... un chiffre en rapide évolution, qui témoigne du fait que ces individus considèrent que la responsabilité qualitative relève des transformateurs, lesquels doivent alors en assumer le coût. Une tendance qui conforte le développement de cette offre "discount plus", dont la valeur ressentie s'améliore avec le temps et les investissements massifs, aussi bien en magasin qu'en communication : deux terrains que les boulangers doivent à présent se réapproprier pour être aussi modernes que durables.