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Jean Kircher

Primé par le collège culinaire de France

Publié le 26/08/2015 |

Le Collège Culinaire de France a sélectionné comme partenaire deux artisans boulangers « Producteur artisan de qualité » : Frédéric Lalos (Le Quartier du Pain) et Jean Kircher (Pains & Tradition). Ce dernier explique pourquoi il défend la qualité sans compromis.

Que pensez-vous de la boulangerie moderne ?

« Depuis quelques décennies, sous ce prétexte de modernité, le goût et la saveur du pain sont passés aux oubliettes ! Le plaisir des bonnes tartines, le parfum d’un bon pain bien fait, tout cela est désormais, pour nombre de consommateurs, un souvenir et pour les jeunes un mythe car peu d’entre eux ont réellement goûté au vrai pain artisanal ».

Que s’est-il passé ?

« Aujourd’hui, tout va trop vite pour fabriquer du pain de qualité ! Le vrai goût du pain, résultant d’une série de transformations naturelles de la pâte a tout simplement disparu. Par ailleurs, pour être digeste et nourrissant, le pain doit suivre des étapes indispensables (pétrissage, fermentation lente) qui sont de moins en moins respectées. Les pains industriels sont trop rapidement assimilés par l’organisme, tels des sucres rapides. Les pains artisanaux sont eux absorbés plus lentement, fournissant une énergie durant plusieurs heures. De plus, ils ne contiennent pas de graisses, pas d’améliorants, pas d’exhausteurs de goût ».

Comment en est-on arrivé là ?

« Le pain en passant du monde artisanal au mode industriel a pris une mauvaise voie, devenant de plus en plus standardisé, tant par le goût que par les procédés de fabrication. Dans l’industrie du pain, on contrôle totalement la pousse du pain, on l’accélère ou on la ralentit, perturbant ainsi le processus de fermentation naturelle qui est à l’origine des saveurs du pain. Pour compenser, on ajoute des additifs chimiques ou des cocktails enzymatiques. Le traitement infligé est comparable à celui des camemberts, qui de lait cru sont passés au lait pasteurisé, et qui grâce à l’ajout d’enzymes seront moelleux le premier jour de la vente ».

Quelles sont les conséquences de ces pratiques ?

« Aujourd’hui, on affuble le pain de tous les maux. Le froment serait totalement indigeste, voire nocif. C’est pourquoi je défends le pain tel que le préconise le mouvement Slow Food, un pain bon, propre et juste. Un bon pain se reconnaît à sa croûte croustillante, sa mie grasse, agréable à la mâche, aromatique et aux bulles qui témoignent de sa fermentation harmonieuse. Il faut revenir à une alimentation plus simple, rechercher le vrai goût des aliments pour retrouver du plaisir dans les choses simples. Autre élément indispensable, le savoir-faire du boulanger, transmis du maître à l’apprenti, de génération en génération, mais qui s’éteint malheureusement de plus en plus ».

Le savoir-faire du boulanger est-il en danger ?

« Aujourd’hui, c’est très facile de faire du pain avec tous les améliorants et les additifs contenus dans les farines. Beaucoup de boulangers se sont fait piéger par la multiplicité des pains que souhaite la clientèle. À vouloir trop faire, ils ont perdu l’essence même du métier ».

Pourquoi avez-vous créé une école de boulangerie ?

« Parce que nous ne trouvons plus de boulangers sur le marché ! Actuellement, nous avons intégré dans nos équipes des aspirants boulangers que nous formons. Cela implique une grande motivation des candidats qui apprennent, étape après étape, à distinguer le potentiel d’une farine (± forte), à lui apporter la juste hydratation, le pétrissage adapté, la gestion des températures. La pâte est un élément vivant et c’est elle qui donne le tempo ! ».