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La garantie solidaire du cédant d’un bail commercial

Publié le 22/05/2018 |

Par un arrêt du 11 mai 2017, la Cour d’appel de Versailles a indiqué, qu’en application du principe de non-rétroactivité de la loi, le nouvel article L. 145-16-2 du Code de commerce issu de la loi Pinel, qui limite à trois ans la garantie du cédant d’un bail commercial, ne peut trouver à s’appliquer aux contrats en cours lors de son entrée en vigueur. Explications de Pauline Pruvost, avocate au sein du cabinet Cornet Vincent Ségurel et spécialiste en droit immobilier.

La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite loi Pinel, a inséré dans le Code de commerce un nouvel article
L. 145-16-2 qui dispose que « si la cession du bail commercial s’accompagne d’une clause de garantie du cédant au bénéfice du bailleur, celui-ci ne peut l’invoquer que durant trois ans à compter de la cession dudit bail ». Avant cette loi, aucune disposition légale n’encadrait les clauses de garantie solidaire, de sorte que la liberté contractuelle était totale ; il était d’usage de prévoir que le cédant restait solidairement tenu au paiement des loyers pendant la durée entière du contrat de bail. Son obligation ne prenait fin qu’au terme du bail. Désormais, la garantie du cédant dont bénéficie le bailleur est limitée à une durée de trois ans suivant la cession du bail.

Limiter la responsabilité du cédant

Ces nouvelles dispositions protectrices du cédant permettent de limiter sa responsabilité après la cession de son bail. Le législateur n’ayant toutefois pas spécifié s’il s’agissait ou non d’une disposition d’ordre public, rien n’interdit a priori aux parties d’insérer des stipulations contraires dans le bail, à moins que la jurisprudence à venir ne décide d’invalider ces clauses et de conférer à cet article un caractère d’ordre public. L’article L. 145-16-2 du Code de commerce n’étant pas visé par les dispositions transitoires de l’article 21 de la loi du 18 juin 2014, il est d’application immédiate et s’applique nécessairement aux baux conclus ou renouvelés, à compter de l’entrée en vigueur de la loi. Demeurait néanmoins la question de l’application de cette nouvelle disposition aux cessions en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi Pinel, le 20 juin 2014.

Exemple à suivre

Dans son arrêt du 11 mai 2017, la Cour d’appel de Versailles répond à cette question et considère que cet article « ne peut trouver à s’appliquer en application du principe de non-rétroactivité de la loi, aux contrats en cours lors de son entrée en vigueur ». En l’espèce, quatre ans après la cession du bail commercial intervenue en 2010, le bailleur demandait à faire jouer la garantie solidaire du cédant pour le paiement de l’arriéré locatif. Le cédant faisait cependant valoir qu’en application de l’article L. 145-16-2 du Code de commerce sa garantie ne pouvait être appelée puisque le délai de trois ans était expiré. L’argument n’est toutefois pas retenu par la Cour d’appel, dans la mesure où le contrat de bail et la cession du bail commercial avaient été conclus avant l’entrée en vigueur de la loi. Il résulte par conséquent de cet arrêt que les dispositions de l’article L. 145-16-2 du Code de commerce sont applicables aux baux en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi Pinel, mais uniquement pour les cessions de bail intervenues après l’entrée en vigueur de cette loi. Cette solution, fondée sur le principe de non-rétroactivité de la loi, est d’autant plus justifiée que, les dispositions de l’article L. 145-16-2 du Code de commerce n’étant pas a priori d’ordre public, la clause d’un bail prévoyant la garantie solidaire du cédant sans limite de temps demeure valable, qu’elle soit antérieure ou postérieure à l’entrée en vigueur de la loi Pinel.